LE BLOCKHAUS ASSIÉGÉ

((/images/manouches.jpg|manouches|L))L’Europe, la généreuse et tolérante Europe, vient de se doter sans honte d’une loi visant à enrayer la ruée des pauvres sur les vestiges d’une splendeur déjà passée. À l’instar du défunt empire romain, nous en sommes réduits à essayer de nous dresser contre les « invasions barbares » qui se pressent à nos portes. C’est à chaque fois le même fiévreux symptôme : quand les choses tournent mal, quand leur petit monde se lézarde, quand tout ce à quoi ils pensaient se raccrocher mord la poussière, les « puissants » (et leurs suivants qui pensent l’être ou rêvent de le devenir) rentrent dans leur coquille, prêts à mordre quiconque ferait mine de la menacer.

Avant nous, nos maîtres américains s’étaient lancés dans l’édification, dérisoire et pathétique, d’un mur entre eux et le Mexique des va-nu-pieds voisins. Et étaient partis à l’assaut des « méchants » en Afghanistan et en Irak, avec le formidable succès que l’on sait. Je me rappelle les mots terribles et prémonitoires que René Dumont prononça dans les années 60 à New York devant un parterre interloqué de notables de la Banque mondiale :  » »Vous pouvez commencer à étudier sérieusement l’emplacement, sur les ponts du Potomac, des nids de mitrailleuses et des tanks qui devront arrêter le déferlement des hordes affamées… » » Nous y sommes. Trouvez-moi une seule initiative récente de l’Empire qui ne soit pas une réaction frileuse de défense (ou d’agression, ce qui revient au même), un mouvement de repliement sur soi-même. Pire, la terreur de « l’autre » ne vise pas que les gueux de l’extérieur. Elle couche en joue, désormais, les populations de l’intérieur. La Suède, ce grand pays démocratique généreux et tolérant, vient de se doter sans sourciller d’une législation autorisant les écoutes et la surveillance de toutes les communications, y compris celles d’Internet. Au nom de la sécurité « menacée », cela va sans dire. Faut-il rappeler que dans l’histoire encore récente, ces crispations veules, ces rejets haineux et égoïstes de « l’autre », se sont tous achevés dans la honte et la tragédie ? ///html

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/// Le problème, c’est que les « autres » ne s’en laissent plus si facilement conter. Le président vénézuélien Chavez menace crûment de couper les robinets du pétrole aux « assiégés ». Le président bolivien Morales rameute les autres déshérités comme ceux du continent Africain. Au Nigeria, des attaques de rebelles ont contraint la société Shell à fermer de précieux oléoducs pendant que Total s’avouait contraint d’envisager son retrait de ce pays ingrat, mais riche en or noir. En Irak, en Iran, pas mieux. Même la petite bande de Gaza fait la nique à la tête de pont impérial israélienne. Et les « centres de rétentions » commencent à flamber. Légitime défense ? En réalité, l’Empire ne contrôle finalement plus grand chose. Et les si redoutées  » »hordes affamées » » commencent bel et bien à envahir ses territoires, poussées par la hausse des prix des matières premières, les dégradations politiques et les dérèglements climatiques. Pas seulement, les « affamés » d’ailleurs. Dans ma petite ville somnolente, des centaines de caravanes plutôt rutilantes viennent d’envahir les stades de foot du complexe sportif. Les propos acerbes et les accusations les plus folles (mais parfaitement invérifiées) fusent sur ces manouches importuns. Qui n’en ont d’ailleurs rien à foutre. Mais pas une autorité pour les faire déguerpir ou oser leur demander leurs papiers. Eux se contentent de déambuler dans les rues, aux caisses des supermarchés ou autour de leur campement, d’un pas lent et détaché, sourires narquois aux lèvres. Oui, la forteresse impériale prend sacrément la flotte et les  » »gadjé » », les sédentaires repus, ont des soucis à se faire pour leur magot et leur poulailler.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.