Désagrégation américaine : anatomie d’une crise de nerfs nationale

L'église de Sutherland Springs, Texas

Il n’y a pas que les anti-américains primaires à dénoncer la désagrégation de la société américaine, mais aussi des Américains eux-mêmes comme l’écrivain et avocat John W. Whitehead.


Pas un seul jour sans une nouvelle fusillade meurtrière.

Ou du moins c’est ce qu’il y paraît.

Avec une régularité alarmante, la nation est soumise à une vague de violence qui terrorise le public, déstabilise l’écosystème fragile, et donne au gouvernement plus de justifications pour réprimer, verrouiller et instaurer des politiques encore plus autoritaires pour des raisons de soi-disant sécurité nationale, sans beaucoup d’objections de la part des citoyens.

Prenez cette dernière fusillade de masse qui a eu lieu dans une petite église d’une petite ville du Texas

Le tireur solitaire, un ancien membre des forces aériennes, était habillé tout en noir, avec un gilet pare-balle, une veste de combat, un masque, et tirait au fusil d’assaut.

Devin Patrick Kelley, le tireur âgé de 26 ans, a été décrit comme un « gars ordinaire » par ceux qui le connaissaient.

Le président Trump et le gouverneur du Texas l’ont dépeint comme un malade mental.

Ce qui pourrait bien être le cas.

Le sentiment de malaise monte d’un cran

Pourtant, on remarquera que cette fusillade ressemble à bien d’autres attaques récentes : l’homme armé a surgi dans la lumière sans que rien ne nous alerte sur ses intentions. Il était habillé comme un soldat ou un officier de la police militarisée. Il était armé avec des armes de type militaire et clairement formé à l’art de tuer. Et il est mort avant que nous ayons la moindre idée de ses motifs.

Comme d’habitude, nous nous retrouvons avec plus de questions que de réponses, et encore plus effarés et angoissés.

Le sentiment de malaise monte d’un cran.

Comment garder une nation en sécurité quand même les « lieux sûrs » que sont les églises, les concerts de rock et les centres commerciaux, ne sont visiblement plus à l’abri de la violence ?

La réponse du gouvernement, comme toujours, nous conduira plus loin sur la route que nous avons parcourue depuis le 9/11 et qui nous mène tout droit vers le totalitarisme et à la privation de liberté.

Ceux qui veulent la sécurité à tout prix réclament plus de mesures de contrôle des armes (si ce n’est pas une interdiction totale des armes pour le personnel non militaire et non policier), un dépistage général de la santé mentale et un examen plus minutieux des vétérans militaires. des évaluations de la menace et des avertissements comportementaux, plus de caméras de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale, plus de programmes « Vous voyez quelque chose, vous le dîtes » visant à transformer les Américains en délateurs et en espions, plus de détecteurs de métaux et d’appareils d’imagerie transformant les corps entiers en cibles mobiles. plus de police militarisée habilitée à effectuer des fouilles aléatoires, plus de centres pour centraliser et diffuser l’information aux forces de l’ordre, plus de surveillance de ce que les Américains disent et font, où ils vont, ce qu’ils achètent et comment ils passent leur temps.

Toutes ces mesures sont aujourd’hui entre les mains du gouvernement.

Comme nous l’avons douloureusement appris, cette promesse fantôme de sécurité en échange d’une liberté restreinte ou réglementée est une doctrine erronée qui n’a aucun fondement dans la réalité.

Pourquoi de telles choses arrivent-elles ?

De toute évidence, parce que l’Amérique est en pleine crise de nerfs.

Les choses se désagrègent et les détenus dans l’asile commencent à s’opposer les uns aux autres.

Une « crise de l’instantané »

Cette crise de nerfs – déclenchée par la polarisation du cirque politique, par l’hystérie collective alimentée par les médias, la militarisation et le militainment (la vente de la guerre et de la violence en tant que divertissement), un sentiment de désespoir et d’impuissance face à la corruption croissante, le fossé entre le gouvernement et sa population, et une économie qui précarise de plus en plus de citoyens – se manifeste par la folie, le chaos et un mépris total pour les principes et ces libertés qui jusqu’à présent nous avaient tenus à l’écart des griffes du totalitarisme.

Quand les choses commencent à se désagréger ou à imploser, car c’est ce qui semble se passer ces derniers temps, je me demande à qui profitera cette situation. Dans la plupart des cas, c’est le gouvernement qui en bénéficiera en amassant plus de pouvoirs aux dépens de l’ensemble des citoyens.

Voyez, nous sommes comme des souris de laboratoire, conditionnées pour répondre adéquatement à certains stimuli.

En ce moment, nous sommes conditionnés à être ces réactionnaires tout juste capables de regarder et de s’inquiéter. Nous sommes en train de devenir une nation de junkies drogués aux mauvaises nouvelles, accros au goutte-à-goutte des dernières infos – surtout si elles sont sensationnelles, dévastatrices, démoralisantes, désastreuses, ou tout simplement excitantes – qui nous scotchent devant nos écrans jusqu’à la prochaine fournée d’infos toutes fraiches.

Il se passe tellement de choses chaque jour que l’Américain moyen a du mal à suivre et à se souvenir de tous les « événements », fabriqués ou non, qui se produisent avec une régularité d’horloge et qui nous distraient, nous trompent, nous amusent et nous isolent de la réalité.

Nous souffrons d’une « crise de l’instantané ».

Les ravages de l’État policier américain

Pendant ce temps, le gouvernement continue d’accumuler plus de pouvoir et d’autorité sur l’ensemble des citoyens.

Voilà comment une élite restreinte contrôle une population, que ce soit par inadvertance ou intentionnellement, et fait avancer son ordre du jour sans beaucoup d’opposition des citoyens.

Rod Serling, le créateur de Twilight Zone, a imaginé un tel monde dans lequel le pouvoir mène à bien une expérience sociale pour voir combien de temps il faudrait avant que les membres d’un petit quartier américain, effrayés par une perte soudaine d’électricité et saisi par la crainte de l’inconnu, se transforment en une foule irrationnelle dont les membres se déchirent.

Ça ne prendrait pas beaucoup de temps.

Vous voyez, c’est peut-être Devin Patrick Kelley qui a semé la terreur dans cette petite église du Texas, mais c’est quelque chose d’autre qui a conduit à cette folie.

Comme je l’ai clairement écrit dans mon livre Battlefield America : la guerre contre le peuple américain, nous sommes aujourd’hui pris dans un cercle vicieux entre la terreur, la crainte, la distraction, la haine, la politique partisane et une nostalgie irrépressible pour un temps où la vie était plus simple, où les gens étaient gentils, le gouvernement moins monstrueux.

Notre exposition prolongée à l’État policier américain n’arrange rien.

Comme toujours, la solution à la plupart des problèmes doit commencer au niveau local, dans nos maisons, dans nos quartiers et dans nos communautés. Nous ne devons pas nous laisser intoxiquer par la rhétorique du « nous contre tous les autres » qui ronge la nation. Nous devons travailler plus fort pour construire des ponts, au lieu de les brûler. Nous devons apprendre à arrêter de réprimer la dissidence et les idées désagréables, apprendre à accepter d’être en désaccord. Nous devons démilitariser notre police et réduire le niveau de violence, ici comme à l’étranger, que ce soit la violence que nous exportons vers d’autres pays, la violence que nous glorifions par simple divertissement ou la violence dont nous nous délectons quand elle frappe nos soi-disant ennemis, politiques ou autres.

Si nous ne sommes pas capables d’apprendre à vivre ensemble comme des frères, des sœurs et des citoyens bienveillants, nous périrons comme des instruments et des prisonniers de l’État policier américain.

=> Source : The Rutherford Institute

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