Minima sociaux : quand la fraude devient légitime

Tandis que nos sommités s’acharnent à vouloir réduire l’impôt sur la grande fortune tout en s’en prenant à l’assistanat et aux bénéficiaires « cancéreux » du RSA, il serait intéressant de nous interroger sur la légitimité pour les plus nécessiteux de recourir à la fraude pour satisfaire leurs besoins élémentaires.

Mauvais arguments

D’abord, éliminons l’idée qu’il puisse y avoir une légitimité à justifier la fraude par le bas au seul prétexte que d’autres ne se gênent pas. A commencer par les margoulins des sommets qui se goinfrent sans vergogne à grands coups de paquets fiscaux et fourberies légales ». L’attitude classique du « œil pour œil, fraude pour fraude » ne conduit qu’au désordre, au n’importe quoi et pour finir au triomphe de la loi du plus fort.

Bottons ensuite les fesses aux habituels contre-arguments sentencieux :

  • « frauder les minima sociaux est injuste pour ceux qui suent sang et eau à travailler pour un misérable SMIC » : manœuvre classique des plus aisés pour diviser les plus nécessiteux ;

  • « la fraude, le travail au noir, les escroqueries en tout genre lèsent et appauvrissent la collectivité » : faux puisque le produit financier de ces prétendues « arnaques » est immédiatement réinjecté dans l’économie réelle ;

  • « la loi s’impose à tous » : faut-il encore, comme on va le voir, que la loi soit légitime !

Les droits de l’homme légitiment la désobéissance civile

En réalité, il n’est pas à chercher très loin pour trouver une légitimation à l’acte de désobéissance civile qu’est la fraude aux minima sociaux.

Un seul article de la Déclaration universelle des droits l’homme de 1948, celle-là même qui fonde notre République, y suffit :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25)

Dans un pays regorgeant de richesses et des moyens matériels ou humains pour les produire, ceux qui privent une frange de plus en plus importante de la population des moyens financiers suffisants pour satisfaire ses besoins vitaux élémentaires se délégitiment eux-mêmes et délégitiment les lois qu’ils prétendent faire appliquer.

D’insupportables leçons de morale

À l’inverse, ceux que l’organisation sociale et économique d’un pays riche maintient sans raison valable en-dessous du seuil de pauvreté (880 euros en France) sont parfaitement légitimés à recourir à tous les moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux.

La fraude, le système D, la menue rapine, le travail au noir, la saisie autoritaire des biens de première nécessité qui font défaut peuvent légitimement être considérés comme des armes de légitime défense. Comme le pain de Jean Valjean dans les Misérables de Victor Hugo.

Les malversations des classes dominantes, même légalisées par ces dernières, sont, elles, assimilables à de vulgaires actes de crapulerie sans autre motif que la soif de domination. Que dire alors des insupportables leçons de morale que certains de leurs éminents représentants infligent aux autres ?

« Quand quelque chose nous apparaît non légitime, même si c’est légal, il nous appartient de protester, de nous indigner et de désobéir » (Stéphane Hessel)

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.