Gilets jaunes : en route vers les procès politiques

Ce vendredi matin, Éric Drouhet était jugé pour « organisation de manifestations sans déclaration préalable ». L’intitulé même de tout procès politique qui ne dit pas son nom. Celui-là même que les procureurs d’Éric Drouhet dénoncent quand des procès de cette nature sont soupçonnés se dérouler dans des pays comme la Chine, la Russie, Cuba ou le Venezuela.

Éric Drouhet est une figure emblématique du mouvement des Gilets jaunes, mais il est loin d’être le seul GJ à être victime de ces procédures judiciaires expéditives destinées à essayer d’étouffer dans l’œuf judiciaire un soulèvement populaire.

Une volonté d’intimidation manifeste

Comme le souligne l’avocate Alice Becker sur Le Média, la multiplication des gardes à vue (1200 interpellations à Paris il y a un mois, du jamais vu) et le choix de la procédure de comparution immédiate dénotent une volonté manifeste de l’institution judiciaire d’intimider et de décourager tout manifestant potentiel en gilet jaune.

Le motif le plus couramment invoqué pour ces poursuites judiciaires – la « participation à un groupement formé en vue de commettre des infractions »en vient à sanctionner des infractions qui n’ont pas encore été réalisées, poursuit Alice Becker, mais dont on soupçonne les prévenus d’avoir voulu les commettre.

Qu’aucun élément concret ne vienne démontrer de façon tangible la réalité d’un acte préparatoire à ces infractions n’empêche pas les sanctions très lourdes de tomber, souvent assorties de peines complémentaires comme l’interdiction inique de manifester. Les soupçons d’un ordre établi inquiet comme seuls éléments de preuve, la prison et le viol du droit constitutionnel à manifester comme seuls parades pour tenter de sauver un régime vacillant.

Plus fort que les tentatives d’intimidations judiciaires, l’énergie du désespoir des Gilets jaunes

Ces tentatives d’intimidations judiciaires ont-elles quelques chances de succès ? Si certains des prévenus sont effectivement apeurés et dissuadés de continuer à manifester, relève Alice Becker, d’autres voient au contraire leur détermination renforcée, au point de se radicaliser encore plus.

Après trois mois de manifestations au succès interrompu, il serait étonnant que des décisions iniques de « justice »  soient en mesure d’être plus dissuasives que les menaces du pouvoir, les extrêmes violences policières et une propagande médiatique effrénée contre les Gilets jaunes.

Il est un élément déterminant que les juges n’ont pas pris en compte, faute de jamais l’avoir éprouvé eux-mêmes : le désespoir. Car il n’est pas sûr que leurs jugements répressifs soient plus désespérants pour les Gilets jaunes que la perspective d’être condamnés à une précarité à perpétuité, au cas où ils viendraient à interrompre leur soulèvement. A-t-on jamais vu un séjour en prison faire reculer un Nelson Mandela ?

=> Lire aussi sur le yetiblog : « Ne faites surtout pas confiance à la justice de votre pays »

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