WikiLeaks, le reflet dévastateur des oligarchies déconfites

Ce qui étonne dans la masse de documents confidentiels lâchés sur WikiLeaks n’est pas tant ce qu’ils recèlent d’informations sulfureuses. Mais le reflet qu’ils donnent de nos oligarchies politiques comme médiatiques.

Par delà les paniques diplomatiques, le désarroi des gouvernants, la négation ou le rejet violent des chroniqueurs, ce qui nous est donné est le portrait d’un petit monde qui se croyait invulnérable dans sa puissance, et se retrouve tout bêtement nus.

Réflexes de rejet

Il est curieux que tous incriminent WikiLeaks et son fondateur, Julian Assange. Comme si celui-ci était allé dénicher lui-même, un à un, ces centaines de milliers d’informations confidentielles brutes. Qu’est donc WikiLeaks sinon une sorte de Canard Enchaîné du web ?

Certains s’empressent de dévaluer l’importance des informations révélées : WikiPschitt pour l’un, banales cancaneries diplomatiques pour un autre… alors qu’à peine 250 documents sur 250 000 avaient alors été publiés !

D’autres encore remettent en cause la déontologie journalistique du procédé, parlent de « poison pour la démocratie », hurlent à la mise en danger de la vie des agents de l’ombre, avancent des tentatives de manipulations, s’indignent d’« attaque contre la communauté internationale » (Hillary Clinton).

Des effets ravageurs

Dénégation, dévaluation, ritournelle du « rien qu’on ne savait déjà », moralisation outragée… En bref, les défenses habituelles des « mâles dominants » lorsqu’ils sont dépassés par les évènements.

Car les effets des révélations WikiLeaks sont ravageurs. Sûr que les pays du Golfe Persique s’y reprendront à deux fois avant de réclamer aussi crûment l’anéantissement de l’Iran à leurs homologues américains.

Sûr aussi que les personnels diplomatiques de l’oncle Sam auront un peu de mal à louanger la défense des libertés démocratiques et des droits de l’homme universels, quand on évoquera devant eux leur quête obsessionnelle des ADN de leurs opposants. Ou leurs tentatives pour recaser à leurs voisins les prisonniers encombrants de Guantanamo .

Un nouvel épisode dans la désintégration du système

Mais il y a plus grave pour les oligarchies. C’est de leurs rangs que jaillissent désormais les bombes dévastatrices.

Et ce sont elles qui en sont les principales victimes. Avez-vous remarqué combien, pour une fois, les peuples d’en bas n’étaient pas concernés ? Brutal, inacceptable retournement de fortune pour les oligarchies ridiculisées.

« La démocratie a besoin de secrets ! » s’écriait un interlocuteur des matins de France Culture ce mardi 30 novembre. C’est l’inverse qui est vrai : les secrets honteux ont besoin du vernis démocratique pour poursuivre en toute quiétude leurs tristes besognes.

Il y a belle lurette que le vernis démocratique a été privatisé par l’argent. Voilà maintenant que les petits secrets des maîtres du monde sont éventés. Oui, ceux-là sont aussi nus que le président français dans une de leurs missives.

Cette affaire WikiLeaks est le révélateur cruel d’un nouvel épisode de la désintégration généralisée du système dominant.

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