Un voyage en Syrie par Jihad Wachill (4/7) : HAMA ET SES ENVIRONS, 27 avril 2018

Quatrième jour du voyage de Jihad Wachill en Syrie. Destination Hama. Découverte de la noria [photo]… et du débat politique syrien.


27 avril 2018

Nous quittons Alep de bon matin pour rejoindre Hama. Arrivés sur place, nous allons admirer la noria, machine hydraulique pour laquelle la ville est particulièrement connue. Comme à Alep, nous sommes un peu la curiosité locale du moment. Beaucoup de monde, particulièrement des jeunes, cherche à communiquer avec nous, veulent se faire prendre en photo avec nous ou par nous. Manifestement, ils n’ont plus vu d’Occidentaux ou presque sur les dernières années. Les jeunes nous suivent partout où nous allons. Nous allons nous désaltérer dans un café, puis nous reprenons notre route. Nous passons devant une exposition agricole qui a lieu à Hama ce jour-là, puis nous quittons la ville pour rejoindre un village des environs.

Voyage groupe Wachill J4 (Alep-Hama)

Nous nous retrouvons donc dans un village essentiellement chrétien orthodoxe des environs de Hama, où nous sommes hébergés chez l’habitant. Nous nous installons et nous restaurons. Un véritable festin, excellent par ailleurs (sauf les frites, maison certes, mais nos hôtes ne connaissent visiblement pas la double cuisson). De fait, nous avons toujours très bien mangé durant ce séjour à chaque fois que nous avons été chez l’habitant. Un peu trop même, nous y reviendrons… Nous allons faire un tour dans le village. Nous rencontrons près de la boutique du premier croisement que nous prenons la prof de français du village, dont nous nous sommes demandés si elle ne s’était pas postée là exprès dans l’espoir de nous voir. Nous discutons un peu avec elle et elle nous invite à prendre le café chez elle à notre retour de promenade. Nous continuons notre tour, arrivons devant l’église principale du village, que l’on fait ouvrir exprès pour nous.

Nous rentrons, repassant devant la maison de notre prof de français locale. Certain(e)s vont lui rendre visite pour honorer son invitation, mais pour ce qui me concerne je ne me sens pas très bien et rentre directement. Fatigué, je m’affale sur le lit et m’endort une grosse demi-heure.

Nous partons ensuite rencontrer les « forces de défense nationale » (en réalité une milice d’autodéfense locale) dans leurs locaux. Nous y sommes accueillis par les « notables » du village : un député, le maire, le prêtre, le directeur d’école, le chef de la milice d’autodéfense locale, un commerçant qui gère visiblement les réservistes de la milice d’autodéfense, un artiste local apprécié des villageois, etc. Il y a deux ans encore, ce village était menacé par les groupes armés islamistes. Aujourd’hui, cette menace s’est éloignée, même si une offensive de Daech dans les environs à notre arrivée faisait que nos miliciens étaient mobilisés, voire pour partie envoyés en soutien dans des villages voisins plus exposés. Nous avons droit aux messages de bienvenue des principaux notables du village, assez convenus, et à un exposé politique tout aussi convenu (pour ne pas dire « langue de bois »).

On nous emmène ensuite visiter une petite église du village en l’honneur de la Vierge Marie qui serait la plus vieille église de Syrie. Puis nous allons au siège du PSNS, le Parti social nationaliste syrien, un des principaux partis politiques de Syrie (présent aussi au Liban), probablement le second en terme d’influence (après le parti Baas, au pouvoir). Des miliciens du PSNS sont présents en nombre et armés devant le siège du parti.

Nous entrons dans leur local, accompagnés du député local (baasiste). Nos deux principaux interlocuteurs se présentent comme responsables politique (pour le premier) et militaire (pour le second) de la section locale du PSNS. Ils nous présentent leur parti, qui milite pour l’unité de la « grande Syrie » (comprenant pour eux aussi le Liban, la Palestine, la Jordanie, l’Irak et… Chypre) et pour un État séculier « laïque ».

Ils soulèvent à un moment l’antagonisme passé avec le parti Baas et les persécutions politiques dont ils ont été victimes un temps en Syrie et au Liban. Le député baasiste qui nous accompagne leur tient en retour un discours très diplomatique et conciliant en guise de réponse, faisant bien comprendre que cette période est révolue, que le PSNS est vu désormais comme un parti « ami » et dont le patriotisme ne donne lieu à aucune discussion. De fait, les autorités syriennes ont laissé ce parti, pourtant concurrent du parti au pouvoir, former sa propre milice et participer directement en tant que tel à l’effort de guerre. Ces miliciens, réunis devant le siège de leur parti, nous proposent de les prendre en photo puis de nous prendre en photo avec eux.

Je me contente pour ce qui me concerne de rester en retrait, un peu dubitatif par rapport à un ou deux aspects de la discussion que nous avons eue avec le responsable du parti : sur la question de l’inclusion de Chypre dans leur « grande Syrie », qui me semble peu réaliste ; une gêne surtout sur des relents antisémites de la part de leur responsable politique, sans que je n’arrive à déterminer s’il s’agit de son sentiment personnel (une partie de sa réponse après que je l’aie repris à ce propos étant totalement surréaliste et appuyé sur un exemple très personnel) ou d’une « ligne partisane ».

Comparativement, le député baasiste est apparu sur ce plan bien plus clair : en gros, il a affirmé sans ambiguïté qu’il n’y a pas de problème avec les juifs syriens, vivant pour l’essentiel à Damas où ils ont leur quartier, et qu’ils sont des citoyens comme les autres du pays. Force est de constater que l’usage confusionniste du terme « Yahoud » (sur lequel j’avais « tiqué » au départ) dans le langage courant au Proche-Orient pour qualifier à la fois et selon les cas les juifs, les sionistes et/ou les Israéliens est calamiteux en terme de communication, surtout à l’égard du public occidental…

Nous allons ensuite dîner et je finis la soirée… aux toilettes (et incapable de me coucher avant 3-4 heures du matin). Ce qui fait somme toute partie des aléas de ce genre de voyages, quoi qu’on en dise. Le matin, je vais déjà mieux même si je n’arrive encore à rien avaler de consistant. L’appétit reviendra à fin de matinée, reste le manque de sommeil, et un impact sur ma capacité d’attention le jour suivant.

=> À suivre : ENTRE HAMA ET LATTAQUIÉ

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.