

J’ai découvert la ville de Figeac, sous-préfecture du Lot, en 1980. C’était une ville morte, morne, lénifiante et grise. L’hôtel des Bains sur la rivière du Célé était fermé pendant la période des vacances estivales. C’est vous dire l’attrait touristique que suscitait alors cette ville, que cette ville même espérait.
Et puis la ville sortit de sa chrysalide somnolente. Les vieux murs des bâtiments se débarrassèrent de leurs crépis tristes et poussiéreux. Les pierres médiévales de la cité apparurent dans toutes leur splendeur. Les ruelles, les petites places reprirent vie. Les commerces, le marché sous la halle, de nouveaux lieux de culture s’animèrent, l’hôtel des Bains réouvrit ses portes aux estivants. Figeac avait échappé à l’ennui et revivait.
Il y a à Figeac le musée le plus émouvant que je connaisse : le musée de Écritures, dit aussi musée Champollion, du nom d’un natif de la ville qui s’illustra en déchiffrant les hiéroglyphes égyptiens de la fameuse pierre de Rosette.
Le musée des Écritures [photo d’en-tête] ouvrit ses portes en 1986 alors que la ville entamait sa renaissance. Au fil des six salles qui composent ce musée, sont retracées les différentes et longues étapes par lesquelles les civilisations humaines élaborèrent les signes et alphabets qui permettraient à leurs membres de communiquer et d’échanger, de faire société.
Forcément, en ces temps de désolation politique, sociale et culturelle, la dernière des salles, intitulée “Écriture, pouvoir et citoyen », pourrait laisser un goût amer aux visiteurs. Qu’avons-nous fait des monumentaux efforts des sociétés anciennes pour nous permettre d’accéder à la civilisation, quel usage avons-nous fait de ces formidables outils, les Écritures humaines, pour en arriver au désastre actuel ?
Et puis, en retournant dans les rues chaleureuses de Figeac, lors d’une pause sur une de ses places si hospitalières, l’instinct de vie vous revient en bouffées : qu’allons-nous faire de nos outils modernes de communication pour redonner le pouvoir aux citoyens, pour faire tomber les derniers crépis morbides d’un capitalisme devenu fou furieux et morbide ? Qu’allons-nous faire pour suggérer une septième salle heureuse au musée des Écritures de Figeac, cette vieille ville morte qui sut si bien renaître de sa torpeur ?
