
C’est entendu : le vieux monde capitaliste est au bout du rouleau, avec son lot de calamités collatérales : climat, ressources, inégalités, migrations. Mais doit-on pour autant cesser de vivre jusqu’à l’avènement du monde d’après ?
Non, expliquent Pablo Servigne et Gauthier Chapelle dans une très belle tribune publiée par Reporterre. La solution, en attendant des jours meilleurs : l’entraide. C’est aussi le titre de leur tout dernier livre : “L’Entraide, l’autre loi de la jungle” (édition Les Liens qui libèrent).
Nous les “privilégiés”, profitant encore un peu de ce qui reste du monde d’abondance d’avant, ne percevons pas toujours l’urgence de cette entraide avec l’intensité ressentie par les éclopés de la vie, les migrants déracinés. Nos solutions sont parfois un brin simplistes et surtout insuffisantes.
« Trouver un lieu à la campagne, faire un potager, apprendre les plantes médicinales, le bois ou la couture, s’organiser avec des voisins, etc. C’est bien, c’est même vital, mais est-ce réellement suffisant à l’échelle d’une société ? »
La chance de l’espèce humaine, écrivent Servigne et Chapelle, est son exceptionnelle adaptabilité aux contraintes et à la pénurie, liée à « une agrégation culturelle d’intelligence ». C’est l’intelligence et le sens de la coopération humaine qui, depuis la nuit des temps, nous ont permis de surmonter les obstacles naturels, d’affronter la pénurie.
La formidable course contre la montre des jeunes générations
Mais le monde de surabondance capitaliste nous a infligé deux lourds handicaps : ceux de l’égoïsme et du culte de la compétition effrénée. Ou bien nous nous désintoxiquons de ces tares et nous retrouvons notre sens de la coopération et de l’entraide sociale, ou bien l’espèce humaine a du souci à se faire pour sa pérennité, concluent Servigne et Chapelle.
La lueur dans le paysage dévasté et inquiétant que nous traversons, vient encore une fois des jeunes générations et de leur capacité de « résilience active ». Ce sont elles qui, conscientes de la précarité de la situation commencent « à prendre soin des autres, à [se] réunir en clans, à faire coopérer les mâles (en réduisant leur agressivité, ce qui est rare chez les primates) ».
Paradoxalement, c’est la période de tempêtes, de précarisation sociale, de catastrophes climatiques dans laquelle nous sommes embourbés qui pourrait faciliter la mutation.
« Un milieu d’abondance fait émerger la compétition ; un milieu pauvre et hostile fait émerger l’entraide. »
Une formidable course contre la montre est engagée entre ces jeunes générations et les androïdes décervelés encore accrochés aux lambeaux du vieux monde moribond.
=> Lire la tribune de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle sur Reporterre
=> Le livre : “L’Entraide. L’autre loi de la jungle”, de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, éditions les Liens qui libèrent, 400 p., 22 €