Nous n’échapperons pas à un Moyen Âge post-capitaliste

Dans un récent billet, Paul Jorion évoquait cette interview où l’économiste américain tendance FMI Kenneth Rogoff déclarait dans Les Échos que non, le capitalisme n’était pas mort, au prétexte qu’il n’existait << aucune solution de remplacement viable >>, et que les seules alternatives sérieuses au modèle anglo-américain ne pouvaient être que… << d’autres formes de capitalisme >> !

Paul Jorion concluait en rigolant qu’à ce titre on ne saurait prétendre à la disparition de l’Empire romain, vu que le Moyen Âge qui lui succéda ne fut en rien << une alternative sérieuse au modèle romo-byzantin >>.

L’atomisation des pouvoirs

Or, au rythme où va le déclin actuel de notre empire capitaliste à nous, il y a désormais fort à parier que le monde court à grande vitesse vers un nouveau Moyen Âge. Une sorte d’ère d’où toute idée de globalisation sera bannie, non forcément par philosophie, mais au moins par contrainte.

Ce qui caractérise le précédent Moyen Âge, ce n’est pas, comme on voulut longtemps nous le faire accroire, une longue traversée régressive obscurantiste entre Empire romain et Renaissance, mais une atomisation des pouvoirs. On dirait aujourd’hui une « relocalisation » des pouvoirs.

Dans notre Moyen Âge nouveau à nous, cette relocalisation de l’activité humaine a toutes les chances de se faire au niveau politique, économique, mais aussi financier.

Cette atomisation et cette relocalisation s’accompagneront hélas, sans doute, d’affrontements entre les différents systèmes en ébauche. Le nouvel ordre international, lui, ne se se mettra en place que lentement, cahin-caha, sur fond de conflits (nous n’osons dire tragédies).

Combien d’années, de péripéties, pour déboucher sur une nouvelle Renaissance mondialisée ? Tout dépend de la sagesse ou de la folie des humains.

Ombres et lumières du Moyen Âge

Mais est-on sûr qu’une Renaissance mondialisée nouvelle soit si souhaitable que cela ?

Ce qui caractérisait l’Empire romain et la Renaissance était la centralisation des pouvoirs autour d’oligarchies dominantes, avides d’étendre leur omnipotence sur leurs sujets et leurs voisins, en dedans et au-delà de leurs frontières.

Le Moyen Âge se singularisa par une nouvelle organisation politique et sociale où la royauté n’y fut plus absolue, où l’organisation urbaine chère à la civilisation romaine (la cité) tomba en rapide déshérence au profit d’une << civilisation rurale et raffinée >> (la << courtoisie >>, du vieux français court, ou cour, qui désigne la partie publique du château – Wikipédia) ; où le commerce à grande échelle (maritime) et la circulation monétaire périclitèrent pour laisser place aux foires locales et aux boutiquiers de proximité.

Hého, ça ne vous dit rien ? Il serait bien sûr irresponsable d’idéaliser une telle époque. Parts d’ombres et parts de lumières indissociables, comme pour chaque époque. Mais tant qu’à faire, au moins essayer de se préparer sereinement à une évolution quasi inéluctable, pour en tirer cette << substantifique moelle >> vantée par un de ses chantres les plus savoureux : François Rabelais.

D’aucuns balaieront d’un revers de main méprisant l’analyse qui précède. Mais fasse que l’avenir ne leur donne pas raison. Car si l’oligarchie politico-financière  d’aujourd’hui trouvait moyen de rétablir une situation compromise en faisant fi de son système failli, alors oui, nous entrerions dans une longue, très longue traversée de ténèbres totalitaires.

Aller plus loin :

L’Empire romain n’est pas mort ! (Paul Jorion) 

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