Second tour : une déconfiture morale et politique

Après tout, mieux vaut peut-être en rire. Ce second tour de la présidentielle version 2012 tourne à la mauvaise farce. Passée la révélation cruelle du premier tour et la « victoire » du Front national de Le Pen fille, voici que la campagne s’enfonce dans la déconfiture morale et politique.

Moulin à vent présidentiel

À ma droite, un sortant en panique, aux abois tant sa préoccupation première n’est plus un nouveau fauteuil élyséen, mais une possibilité d’échapper cinq ans de plus aux foudres de la justice ; prêt à tout pour échapper à son sort et glorifiant, ici le combat du << vrai >> travail contre le faux, là la << légitimité démocratique >> du Front national.

À la gauche de ma droite, un challenger de substitution, Sancho Pansa à l’assaut du moulin à vent présidentiel, redoublant de poncifs creux et éculés, multipliant lui aussi les clins d’œil vers l’électorat frontiste, osant de surprenants rapprochements :

<< Je veux redresser la France…  je veux rassembler les Français… Je comprends la désespérance des électeurs FN… Le mariage homosexuel, oui, mais je ne vais pas me précipiter, car le plus urgent c’est de redresser les comptes publics [? ndlr]. >>

L’affaire du soudard présumé de Bobigny

Il y eut aussi cette affaire du soudard présumé de Bobigny mis en examen pour avoir dessoudé un truand « multirécidiviste » de façon peut-être pas aussi légitime défensivement qu’il le prétendait.

Or que croyez-vous que firent nos deux prétendants ? Sans attendre les éclaircissements de cette justice qu’ils aspirent tous les deux à présider, Ils volèrent au secours du présumé soudard. Le premier avec son excès habituel poussé à l’absurde (<< la présomption de légitime défense » >> [? ndlr]), le second avec des accents mielleux de sainte-nitouche (renforcer << la protection administrative des policiers >>).

Ne restait plus pour parachever le désolant spectacle de cette première semaine de campagne pour le second tour qu’un « des paroles et des actes » sur France2 où les deux rivaux confirmèrent leur absence totale d’envergure et la vacuité de leurs ambitions. Le sortant dans le registre du teigneux qui ne veut pas être sorti. Le rentrant ne sachant pas trop s’il doit le faire en avançant son pied gauche ou son pied droit.

Le spectacle est dans la salle

Jadis, le plus intéressant des séances de Guignol ne se trouvait pas du côté des marionnettes, mais sur les trognes mi-hilares, mi-terrifiées des jeunes spectateurs. Aujourd’hui, les spectateurs ont vieilli. Les rires se sont fait rictus. La terreur dégénère en affolement incontrôlé. La mascarade est dans la salle.

Il est de bon ton pour les spectateurs-citoyens de brocarder la nullité et l’hypocrisie de leurs politiques. Pourtant, les marionnettes démocratiques n’existent qu’à travers ceux qui les portent au pouvoir. C’est bien nous, citoyens, qui avons engendré un Sarkozy, des Le Pen à travers nos votes. Mais aussi de si insignifiants Royal, Hollande…

Que s’est-il passé pour que nous en arrivions à cette lamentable pochade ? Au point que certains d’entre nous allèrent jusqu’à voter utile — oui, « utile » !!! — non seulement au premier tour de cette présidentielle, mais même lors de la primaire socialiste qui précédait. Pour en arriver là !

Que nous est-il arrivé pour que nous sombrions nous aussi dans cette désespérante commedia dell’arte à la sauce berlusconienne ? Faut-il rappeler que ce ne sont pas nos amis italiens qui se débarrassèrent eux-mêmes de leur bouffon, mais la fameuse Troïka financière qui le remplaça par un technocrate en train de saigner à blanc leur pays ?

Faut-il s’étonner après que certains spectateurs quittent la salle avant la fin ?

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.