Une cure de rajeunissement grâce au pass sanitaire

Alerte au pass sanitaire
Le réseau social de mon enfance

Quand j’étais minot, dans les années cinquante, j’habitais un petit village du Poitou (Quinçay). Mes parents tenaient l’unique boulangerie, il y avait une unique alimentation (ah, les boules de gomme de chez Gimelle !), une seule boucherie, un seul bar (où mon père et ma mère ne mettaient jamais les pieds, sauf pour acheter leurs clopes).

Plus de restau, plus de cinéma, plus de salles de sports ou de parcs de loisir…

Pas de restau, pas de cinéma, pas de salles de sports ou de parcs de loisir à l’époque. On faisait sans. Pas de garderies non plus pour les mômes. Les vieux avaient encore une fonction sociale : baby-sitters à dispo pour s’occuper de nous, les mioches, pendant que nos parents travaillaient. Ils ne mourraient pas dans les Ehpad, les vieux, mais chez eux, un peu plus tôt certes (quoique si on retranchait des stats les tristes spectres en train de se racornir dans les Ehpad, pas sûr que l’espérance de vie ait autant augmenté que ça et dans quel état)…

Aujourd’hui, à quelques nuances près (les réseaux sociaux ont remplacé le garde-champêtre et ses « avisse à la population » au son du tambour), le pass sanitaire nous ramène bon gré, mal gré à cette époque enfuie, pas si triste au demeurant (sauf que c’est moi qui suis aujourd’hui le vieux). Finis les bars, finis les restaus. Les cinémas sont désertés, les salles de sport abandonnées, les parcs de loisirs broient du noir, les centres commerciaux (même les centres commerciaux !) sont menacés de fermeture s’ils n’obéissent pas aux injonctions des fous furieux…

Une tourmente trop grotesque pour durer

Oui, le pass sanitaire va nous contraindre à en rabattre sur nos prétentions de gavés, nous obliger à un quotidien beaucoup plus simple, pas loin du spartiate. Une sorte de cure de désintoxication en quelque sorte. Pendant que passe la tourmente dans les étages supérieurs. Parce qu’évidemment, à la vitesse où les choses se sont désintégrées ces derniers mois dans les sommets, et même ces derniers jours où l’on est passé sans transition de l’insupportable au grotesque le plus absolu, on sait, à moins d’être idiots (ou vaccinés), que l’orage ne va plus pouvoir tenir sans éclater très bientôt.

C’est là où l’on va pouvoir mesurer la capacité de résilience des gens, leur aptitude à rebondir. Ce qui va se passer n’est pas si difficile à anticiper (hormis, hélas, les brusques accès de sauvagerie pre-mortem des moribonds). Nous allons découvrir une économie à deux vitesses : la chute de l’économie globalisée du monde d’avant, la montée en puissance d’une économie du quotidien, localisée. Regardez, elle existe déjà autour de vous. C’est la seule qui tient.

La vie au quotidien se renforcera sur les ruines du monde capitaliste globalisé

Pendant que les industries automobiles, aéronautiques, pétrolières vont se perdre dans les ruines d’une histoire capitaliste qui n’a que trop duré, pendant que les dérèglements climatiques vont continuer à ruiner ce qui reste de nos vieilles infrastructures pourries, en attendant que les fous furieux qui pensent nous gouverner finissent par être proprement et simplement lynchés (ils ne vont pas y couper), la vie au quotidien ne cessera pas de tourner. La voilà même qui amorce un mouvement de consolidation fait de solidarité et du bon vieux système D.

Comme dans le petit village poitevin de mon enfance, il va nous falloir faire avec les moyens du bord, en autarcie, en contournant les inepties des fous furieux, en apprenant à nous prémunir de leurs saloperies, en s’organisant loin de leur pétaudière qui ne nous concerne plus. Laisser ces fruit blets pourrir et reconstruire peinard la vie d’après. Vous allez voir, ça va finir par le faire. On n’en a jamais été aussi près.

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.