UNE ABSTENTION MÛREMENT RÉFLÉCHIE

((/public/Logo_Europeennes.png|Logo_Europeennes.png|L))Le 7 juin 2009, jour des élections au Parlement européen, je n’irai pas voter. Non par indifférence pour le sujet, bien au contraire. Non par mépris de l’expression démocratique, bien au contraire. Ni par lassitude ou résignation. Mais en toute connaissance de cause. Parce que c’est le seul et unique moyen qui me reste pour marquer mon hostilité profonde à l’Union européenne telle qu’elle est devenue, et à la régression démocratique en cours dans notre pays.

__L’Union européenne, une idée dénaturée__ La dernière fois que je me suis déplacé pour voter à propos d’Europe, c’était le 29 mai 2005 lors du référendum sur le projet de Constitution européenne. On a vu ce qu’il en a été de ma voix et de toutes celles, majoritaires, qui s’étaient exprimées contre ce projet. Passées pour pertes et profits par des malotrus sans scrupules. On mesure également ce qu’il en est de la prise en considération du vote négatif de nos amis hollandais et irlandais. À ces derniers, on demande carrément de re-voter dans le bon sens ! J’aimerais bien connaître l’avis des autres citoyens des autres pays membres de l’Union européenne. Mais leurs gouvernants se gardent bien de le leur demander. Le Parlement européen n’est rien d’autre qu’une pâlichonne chambre consultative, sans aucune importance, juste là pour sauver de vagues faux-semblants démocratiques. Comme à nos amis irlandais, il lui est demander de voter dans la ligne. Faute de quoi, le Conseil des ministres européens peut retoquer sans souci les décisions qui ne n’ont pas l’heur de lui convenir. Ainsi de l’amendement contre toute coupure d’accès Internet sans décision de justice, voté deux fois par les eurodéputés, mais déjà repoussé une fois par ledit Conseil. J’ai eu l’occasion de dire, dans [un volet|/index.php?post/RELATIONS-INTERNATIONALES] d’un récent petit programme personnel, l’idée que je me faisais d’une Confédération européenne réellement au service des citoyens, et non pas outrageusement dominée par une Commission opaque, vouée sans vergogne à des lobbies genre Monsanto. Ce n’est que sur de telles perspectives, ou similaires, que je m’exprimerai désormais. Pas autrement. __Une expression démocratique pervertie__ Comme souvent lors de ce genre de scrutin, d’aucuns annoncent vouloir en profiter pour exprimer un mécontentement qui n’a rien à voir avec le sujet de la consultation. Ce détournement de sens me paraît une négation assez malsaine du fondement démocratique. D’autant plus stérile, que l’impact des votes sanction ne dépasse guère le temps de vie éphémère des éditions de presse du lendemain, rapportant fugacement résultats et commentaires à chaud. Le principe du vote « anti-sarko » est à mon avis une vue assez régressive et étroite d’un problème bien plus général et délicat. Dans l’état de délabrement où notre pays se trouve aujourd’hui, économique, politique, social, moral, le problème n’est plus la personnalité du président ou de tels ou tels de ses pénibles comparses. Mais le fait qu’une majorité de la population en soit venue à porter au pouvoir l’équipe désolante d’un aussi ridicule mirliton. Et que la minorité restante n’ait strictement aucune alternative sérieuse à proposer, soit par soumission intéressée aux principes d’un système pernicieux (le Parti socialiste), soit par incompréhension manifeste de ce qui nous tombe sur la tête (les Verts qui croient encore que la solution viendra de l’Union eurpéenne), soit par stupidité infantile congénitale (le chacun pour soi chronique des particules de la « vraie gauche »). La perversion de notre expression démocratique provient d’une crise morale et identitaire dégénérative dans laquelle je refuse de me laisser entraîner plus avant. __Pour une recomposition complète de notre appareil démocratique__ Le véritable défi politique à résoudre tient dorénavant à la recomposition quasi complète de notre appareil démocratique avant qu’il ne soit trop tard. La Ve République a vécu et n’est plus qu’une parodie déplaisante de l’expression populaire qu’elle prétendait incarner. Des institutions vidées de leur signification, muselées, des partis godillots en pleine sénescence, des candidats caricaturaux, pré-filtrés par des médias serviles entièrement aux mains des puissances d’argent… D’ailleurs, face à l’impasse où nous nous sommes aujourd’hui fourvoyés, et si l’on en juge par la tournure de plus en plus dramatique de la conjoncture, il est fort à craindre que les choses se dénouent bien loin des isoloirs. Le système mis en place par le général de Gaulle a été perverti au fil du temps et des alternances droite-gauche. Il ne tient plus que par les ficelles usées de quelques apparences assez lamentables. Il est grand temps de couper ces ficelles et d’arrêter cette mauvaise pantomime. Cela me semble la condition sine qua non à la recomposition de l’appareil démocratique à laquelle nous devons aspirer. S’abstenir me paraît plus efficace pour y parvenir que de se donner bonne conscience en votant une nouvelle fois pour « le moins pire du pire », ou pour des causes (l’Union européenne en l’occurrence) qui ne sont plus les nôtres. J’ai scrupuleusement mis mes bulletins dans l’urne depuis presque quarante ans, avec le sentiment parfois de leur utilité, même minoritaire. Ce n’est plus du tout le cas. Le général de Gaulle dut sacrifier la IVe République pour passer à la sienne. Cette dernière est morte, vive la VIe ! Tel est le sens de mon engagement militant à l’abstention. J’en mesure tous les risques, mais suis bien décidé, en toute conscience, à les prendre. Trop, c’est trop !

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.