UN HOPITAL PRIVÉ D’URGENCES POUR CAUSE DE « LOYER TROP CHER »

((/public/Abribus_sans_autobus.jpg|L’abribus sans autobus|L))Ils ont mis le temps, mais ils y sont arrivés. Depuis quelques mois, un nouveau centre hospitalier flambant neuf a vu le jour à Cricqueboeuf, dans le Calvados, entre les villes de Honfleur, de Deauville-Trouville et de Pont l’Évêque. Mais sans service des urgences ouvert à ce jour !

Passons sur le choix du lieu qui fut prétexte à d’intenses controverses entre les villes principales soucieuses chacune de s’approprier le gâteau. __Un hôpital perdu en rase campagne__ Après bien des polémiques et moult recours en justice, nos autorités s’accordèrent enfin cahin-caha pour un lieu à mi-distance de leurs pôles urbains, mais perdu sur un plateau en rase campagne et loin de toute desserte par les transports en communs. À l’heure qu’il est, l’abribus bâti à l’entrée de notre valeureux centre hospitalier de la Côte Fleurie n’a d’ailleurs toujours pas reçu la moindre visite d’un autobus de la compagnie régulière du coin. Le Conseil Général, nous dit-on, « étudie le dossier ». Mais il y a mieux (ou pire, c’est selon) : au jour d’aujourd’hui le centre hospitalier en question ne dispose toujours pas d’un service des urgences. Déjà reportée à de nombreuses reprises, son ouverture vient à nouveau d’être repoussée au printemps. Ou aux calendes grecques. Les explications officielles naviguent bien évidemment sur les hautes sphères des raisons techniques et déontologiques que nul n’oserait remettre en cause.  »<< Il n'est pas question de faire du bricolage >> », clame Michel Lamarre, maire de Honfleur, dans l’hebdomadaire local Le Pays d’Auge.  »<< Ceci dans l'intérêt de la population qui a le droit d'avoir un pôle de santé et un service d'urgence digne de ce nom. »>> __Les urgences, victimes des prix de l’immobilier__ La réalité est pourtant beaucoup plus prosaïque. C’est que notre fleuron dernier-né de la médecine triomphante et de la santé des citoyens est un compromis hasardeux entre le public (qui y a lâché quelques 45 millions d’euros) et le privé (qui compte déjà les sous qu’il pourra en tirer). À l’hôpital de Cricqueboeuf, la gestion des urgences a ainsi été confiée au public. Mais le service en question appartient au privé ! Qui fixe le loyer. Et c’est là que le bât blesse, vu les sommes astronomiques demandées.  »<< Plusieurs dizaines de milliers d'euros par an >> », soupire Jean-Pierre Coll, directeur de l’hôpital, à propos du service des urgences. Et de surenchérir lui aussi à tout hasard dans le lieu commun et la langue de bois :  »<< Dans l'intérêt de la population, il est nécessaire de garantir un service d'urgence de qualité. >> » En attendant, dans l’intérêt bien compris de certains sans doute, mais certes pas des patients et de leurs visiteurs, les tractations immobilières de basse volée s’éternisent. Et les estropiés des environs, ignorant qu’un si moderne endroit puisse manquer d’un tel service de première nécessité, continuent de rappliquer en toute innocence… pour être ré-expédiés illico, quel que soit leur état, vers les ex-centres de Honfleur et Deauville, maintenus sous perfusion pour combler le manque.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.