UN DISCOURS EN MANQUE D’IMAGINATION

Il nous avait laissé espérer avec quelques annonces ponctuelles plutôt révolutionnaires dans leur principe et inhabituelles dans la bouche d’un président des États-Unis d’Amérique (le revenu maximal de 500.000 dollars pour les patrons d’entreprises en difficulté). Hélas, le premier discours-programme économique prononcé le 24 février par Barack Obama brille par son manque d’imagination et l’inadéquation assez inquiétante des mesures proposées. Passons sur l’inévitable volontarisme un peu forcé de l’exercice pour conjurer la crise ( »« les États-Unis d’Amérique en sortiront plus forts qu’auparavant » ») et examinons les quelques points avancés pour y parvenir.

 »« Nous allons créer un nouveau fonds de prêts qui sera le plus important effort jamais consenti pour donner accès à des prêts automobiles, des prêts scolaires, et des prêts aux petites entreprises,  »(des prêts) » destinés aux consommateurs et aux entrepreneurs qui sont le moteur de notre économie » » Commencer par annoncer la création d’un fonds spécial (encore un !) pour relancer le financement massif du crédit, dans un pays déjà victime d’un surendettement généralisé, c’est vouloir soigner le mal par le mal. Une aberration. Ajoutez à cela le faramineux plan de relance paur sauver l’économie (787 milliards de dollars) et les mesures pour aider les petits propriétaires menacés de saisies immobilières (75 milliards), et vous aurez la mesure de la contradiction que doit affronter Barack Obama : comment relancer le crédit et en même temps réduire le déficit du pays de moitié avant la fin du mandat ? Dans de telles conditions, nul doute qu’on puisse annoncer à la population de douloureux  »« sacrifices » ». Il y a bien sûr, dans la déclaration du nouveau président américain, des mesures novatrices, surtout si on les compare à la politique sociale et économique suivie par la précédente administration : – l’annonce d’investissement dans les nouvelles technologies et dans les énergies renouvelables%%% – l’appel à de nouvelles règlementations pour le système financier%%% – une loi imposant des quotas d’émissions des gaz à effet de serre%%% – la promesse d’une réforme de l’assurance-santé qui  »« ne peut pas attendre » ». Le problème est que Barack Obama manque cruellement de deux éléments indispensables pour avoir une chance de mener à bien ces réformes : le temps et l’argent du financement. Le temps d’abord. Les précédents plans de relance initiés sous l’administration Bush, se sont tous révélés inopérants. Les constructeurs automobiles sont plus que jamais sous la menace d’un dépôt de bilan généralisé malgré les fonds de soutien investis (rappel de leur échéance : mars 2009). La nationalisation, partielle ou totale, du système bancaire est désormais ouvertement envisagée devant la poursuite de l’effondrement des principales banques. L’activité immobilière est toujours en état de coma profond. Le marché du travail est à l’agonie et le chômage va galopant. L’argent ensuite. Le perversion du système financier néolibéral fait que les États-Unis sont aujourd’hui totalement dépendants de pays comme la Chine, le Japon, l’Inde ou même la Russie, pour financer leurs hallucinants plans de relance, donc (pensent-ils) leur survie. On voit mal ces pays, déjà dangereusement fragilisés de leur côté, investir dans une relance américaine aussi catastrophiquement engagée. L’autre souci est que ces pays cherchent eux aussi l’oxygène qui pourrait sauver leurs propres économies. Plutôt que d’acheter les obligations d’État qu’Hillary Clinton, actuellement en Chine, essaie de leur vendre pour récupérer des fonds vitaux, il est à craindre que ces acteurs économiques dits « émergents » s’avisent très bientôt de vendre, même en les bradant, celles qu’ils ont déjà en nombre dans leurs portefeuilles. Le volontarisme politique affiché par Barack Obama est certes réjouissant, mais il restera totalement stérile s’il ne repose pas sur une restructuration bien plus profonde de l’économie américaine, des innovations bien plus audacieuses, des remises en question bien plus draconiennes de certains principes. Pour l’heure, le discours-programme que vient de prononcer le président de l’Empire occidental ne prend guère en compte l’état de décrépitude actuel du système capitaliste. De fait, il relève surtout du vœu pieux et dissimule bien mal son impuissance et ses faiblesses. Pourtant, sans décisions énergiques et rapides, c’est la Nature (humaine ou autre) qui imposera ses bouleversements cinglants. Ceux-là risquent d’être bien plus douloureux.

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