Ukraine : le camp occidental acculé à une vaine défensive

À la veille du référendum sur la Crimée, et sur fond de manœuvres militaro-diplomatiques, le moins qu’on puisse dire, dans cette affaire d’Ukraine, est que les défenseurs du camp occidental se retrouvent bel et bien acculés à une assez vaine défensive. Le vilain Poutine serait-il en passe de rééditer son « exploit » syrien ?

Parce qu’enfin, à quoi bon ces rodomontades d’une Merkel ou d’un Fabius promettant de << nouvelles sanctions >> contre la Russie… quand on n’en a encore vu poindre aucune précédemment ?

Bien beau de mettre la pression, comme le font d’une voix commune les USA et l’UE en menaçant le Kremlin de << mesures très sérieuses >> dès le lendemain de ce référendum « inconstitutionnel ». Mais c’est s’exposer à un tout aussi sérieux effet boomerang :

<< Les sanctions pourraient conduire à des mesures de rétorsion, ce qui déclencherait une spirale aux conséquences imprévisibles >> (envoyé spécial de la Chine en Allemagne)

Rappelons que dans cette sombre nouvelle guerre froide, la Chine s’est rangée sans l’ombre d’une hésitation morale au côté de la méchante Russie.

Incantations

Mais laissons-là ces démêlés sans doute moins diplomatiques qu’il n’y voudrait paraître. Et voyons comment cette parade incantatoire s’est manifestée dans nos médias. En commençant, qui aime bien châtie bien, par ceux qui nous sont le plus proche.

Pascal Riché de Rue89 a beau qualifier l’influence néonazie sur le nouveau pouvoir putschiste ukrainien de << n’importe quoi >>, c’est faire fi de la composition de ce nouveau gouvernement : rien moins que 6 ministres néo-nazis sur 19 (contre deux seulement issus de la société civile des manifestants de la place Maïdan).

gouvernement-ukraine-02-2014-2.jpg(source : O. Berruyer, les-crises.fr)

Bien beau de présenter l’affaire comme une entrave à la volonté hégémonique russe sur l’Eurasie. Mais c’est oublier que l’est russophone du pays, industriel, avec accès à la Mer Noire, est bien plus riche, bien plus stratégique que l’ouest « révolutionnaire ».

Répartition des régions par salaire moyen (en US Dollar)

Ukrainian_salary_map-500x348.jpg
(source : Jacques Sapir, RussEurope)

À ce titre, l’indépendance de la Crimée serait une affaire en or pour Poutine, un coup d’épée dans l’eau pour les copains complotistes de Victoria Nuland, à qui resterait sur les bras un vague territoire agricole peu conforme à leurs ambitions.

Après cela, arguer des bénéfices d’<< un État de droit et d’un minimum de protection sociale >> (au moment où tous ces avantages acquis sont impitoyablement détricotés dans les pays concernés), d’<< antiaméricanisme pavlovien >> ou encore de l’homophobie du président russe, me semble relever de l’incantation et du désespoir de cause.

À propos de Poutine, on terminera ce bref exposé en citant ce commentaire d’un lecteur de Rue89, pas plus emballé par le camp occidental du Bien que par l’axe poutinien du Mal :

<< On est bien d’accord que Poutine est à la manœuvre. Pas de doute là-dessus. Mais quelles sont les manœuvres de Washington et Bruxelles ? Quel est le plan ? Dès qu’on parle d’un plan américain, on se fait traiter de complotiste ou de pro-russe. C’est fatigant. >> (Faboubou49)

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