Art & politique : Thameur Mejri (1982- )

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Thameur Mejri "Obey", 2017, mixed media on canvas, 200 x 180 cm

Thameur Mejri est né en 1982 à Tunis. Il vit et travaille à Nabeul. Il obtient une maîtrise en arts plastiques, spécialité peinture à l’Institut supérieur des beaux-arts de Tunis où il enseigne actuellement. De ses premières années, Thameur, évoque ses combats face à un père difficile et à une société conservatrice :

« J’ai encaissé beaucoup de choses et maintenant je réponds à tout ça. Mon atelier me le permet. »

Il considère la peinture comme une contre-attaque à toutes les formes d’oppression et propose, dans des toiles au chaos très construit de fragments de narration, corps, objets, un point de vue politique et critique sur les relations de pouvoir qui structurent la société contemporaine tunisienne.

Thameur Mejri attribue une importance toute particulière au fonctionnement symbolique des objets et aux titres de ses œuvres. Il rappelle que « l’on projette inévitablement notre inconscient sur les objets qui nous entourent ». Mais ces objets qui hantent ses toiles – hélicoptère, couteau, ballon de foot, bidon d’essence, colombe ou autre télévision – s’apparentent surtout à des pictogrammes que l’artiste s’amuse à subvertir.

En 2012, interrogé sur son travail, Thameur répondait :

« C’est difficile pour moi de définir mon propre travail, mais je peux dire que le corps et plus précisément le corps nu est ma principale préoccupation. Pour moi la peinture est un moyen de contestation et de provocation et comme le disait Picasso “un tableau devrait être hérissé de lames de rasoir”. J’essaie de traiter des sujets qui peuvent être considérés comme tabous dans un pays arabe et musulman tels que la sexualité, mais sans tomber dans le pornographique, la nudité, l’obscurantisme religieux, etc. Je donne plus d’importance au sens divulgué par l’oeuvre qu’à la technique et à la manière de faire. Mon travail questionne aussi l’option du doute et du soupçon envers la notion de l’Homme et remet en question la définition du corps par la religion. Je pense que c’est une sorte d’exorcisme de tout le mépris et la haine infligés au corps par le dogme religieux ; souffrir et ensuite mourir pour rencontrer son créateur… Esthétiquement cela se traduit par la déstructuration visuelle du corps et la dégradation de son image. Déconstruire le corps pour détruire les dogmes. J’essaye de faire disparaître le corps réel au profit d’un être hybride, toujours en mutation. »

Une oeuvre qui se veut subversive… Une palette fertile et imprévisible, un trait fin et nerveux remettant en question le pouvoir de la Doxa, « un chaos très construit de fragments de narration » (Matthieu Lelièvre), voici résumé, en quelques mots, le travail du “meilleur artiste tunisien 2019” !