Témoignage : « Les petits cons d’auditeurs de l’AP-HP qui débarquaient… »

Le témoignage d’Alain Astier [photo], chef du service pharmacie à l’hôpital Henti-Mondor de Créteil (source et intertitres : Reflets).

« Le manque de médicaments en quantité suffisante est très fréquent. Souvent j’ai un médicament pour deux patients alors que j’en ai quatre à soigner. Alors on choisit à qui on le donne… Parfois on réduit les doses. Avec la crise du Covid-19, on en parle plus et c’est plus aigu. Oui, on peut parler de pénurie de certains produits. Dans ma pharmacie, deux à trois jours de manque d’un médicament, c’est malheureusement banal. Et parfois, la durée est indéterminée. On ne sait pas quand le produit reviendra et ça peut durer longtemps.

Parfois on [reçoit]la moitié [de nos commandes], parfois rien… Être pharmacien, c’est se débrouiller, emprunter à un hôpital voisin parfois… On passe notre temps au téléphone… »

Les médicaments qui manquent sont ceux qui ne sont pas chers

« En 2008, la pénurie concernait une vingtaine de médicaments ; en 2018, elle concerne 800 produits ! En 10 ans, ça a été multiplié par vingt.

Étonnamment, tous les médicaments qui manquent, antibiotiques, anticancéreux, curares entre autres, ce sont des médicaments efficaces mais un peu anciens, qui peuvent être produits en génériques. Ce ne sont jamais les médicaments chers qui sont les vaches à lait des labos.

Les labos ont délocalisé massivement dans les années 2000-2005 pour faire plus de profit. Les matières premières comme les médicaments sont fabriqués en Inde et en Chine. J’en veux à Sanofi, notre géant français, qui n’a pensé qu’à minimiser ses coûts. Et les gouvernements ont laissé faire sans penser aux dépendances que cela engendrait.

On a eu des petits cons d’auditeurs de l’AP-HP qui débarquaient dans nos hôpitaux et qui assénaient : “Il faut travailler en flux tendu, les stocks c’est de l’argent immobilisé !” Sauf que l’hôpital n’est pas une entreprise… Les conséquences de cette politique explosent au grand jour. »

Brûlez les masques ou utilisez-les pour faire de la peinture

« À Henri-Mondor, on stockait 250 millions de masque pour le compte de l’Eprus, l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, sur le milliard six-cent millions de masque du stock Bachelot. Quand ils sont arrivés à péremption, on leur a demandé ce qu’on en faisait. Ils nous ont dit : “Brûlez-les ou utilisez les pour faire de la peinture !” Et on les a détruits… On a sciemment organisé le manque. Je peux vous dire que le stock de pilules d’iode en cas d’accident nucléaire a fondu comme le reste. Bien sûr, on ne peut pas avoir tout avec des stocks importants. Mais un virus pulmonaire, on sait que c’est un risque important, des rapports en parlaient régulièrement.

Mes collègues allemands ne comprennent pas pourquoi le nombre de décès est si élevé. C’est simple : en Allemagne, il y a plus de tests, plus de masques, plus de lits de réanimation. C’est tout, c’est une question d’organisation. Et devant cette pénurie, on a menti aux Français sur l’importance de porter un masque. Il faut qu’une enquête soit ouverte, que les responsables de cette imprévoyance organisée soient retrouvés. »

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