Témoignage : « J’ai oublié de prendre un billet de train… »

Le témoignage d’une certaine Zoé Sagan sur Facebook.


J’ai oublié de prendre un billet de train et je me fais défoncer comme une Gilet jaune. J’ai une CRS qui me regarde avec la main sur sa matraque en me demandant d’arrêter de chanter un chant partisan sinon elle va devoir sévir. Je lui donne l’autorisation de me casser les dents. Son œil voit noir. Elle a envie. Je le sens. Mon arrogance lui donne envie de me tuer. Je lui dis que je gagne moins qu’elle, qu’elle devrait être du bon côté de l’histoire, avec moi, à côté de moi, qu’au fond, le week-end elle est dans l’obligation de cogner contre ceux qui vont éduquer ses enfants. Ses voisins sont probablement des Gilets jaunes. Au fond elle est d’accord. Elle est épuisée. Elle a envie de lâcher, je le sens, alors je double la provocation.

Je lui demande si elle a voté pour Macron. Elle ne veut pas me répondre. Alors je lui dis dans ce cas là, moi aussi je ne réponds plus et je ne paye pas mon amende. Elle me menace. Pendant ce temps ces collègues sont en train de tabasser une bande de jeunes qui n’a pas ses papiers. Ils hurlent de douleur. Un coup de matraque ça fait mal. Dix coups de matraque ça désosse. Je lui dis mais regarde franchement, tout ça pour quoi ? Un plat de lentille ? Une photo de Manu et Brigitte à la montagne dans Paris-Match ? Un remerciement et une tape dans le dos de Castaner ? Sincèrement, est-ce que vous avez voté pour celui dont vous écoutez les ordres ?

En voyant la violence autour d’elle, elle me fait non avec sa tête. Je lui fais un clin d’œil en lui demandant quand est-ce qu’ils vont penser par eux-mêmes. Elle me dit que je vais trop loin. Me prend par le bras. Sa force est pire que celle d’un homme, sa poigne me démonte l’avant bras. Je décide de réciter à voix haute un passage du Capital de Marx, pour me calmer. Ça la rend dingue. Elle veut contrôler ce morceau de réel à tout prix, sinon il lui reste quoi pour s’endormir ce soir ? Je me dis, tiens poussons le bouchon, j’ai une heure à perdre. Je ne paye pas. Je lui dis que je veux tester la garde à vue et l’ultra violence. Je veux me sentir comme une hors la loi. La Calamity Jane de la SNCF.

Elle exige mes papiers. Je lui propose plutôt de lui montrer mon Facebook en lui disant je suis certaine que vous êtes une bonne maman. Que fondamentalement quand tu fais caca le matin tu ne penses pas gazer des lycéens ou des retraités. Tu ne pousses pas ta crotte en te disant tiens aujourd’hui pour 90 euros net je vais casser des jambes. Les français ont peur de vous maintenant, vous étiez censés représenter la force de l’ordre. Et on ne voit plus que la force sans ordre. Ça tape les yeux fermés. Déjà que vous ne réfléchissiez pas beaucoup, là vous êtes avec une manette de PlayStation en roue libre, sans connaître les commandes ni les règles, vous appuyez sur tout les boutons, et forcement c’est un carnage. Sauf que nous ne sommes pas dans un jeu vidéo et qu’ici on ne meurt qu’une fois.

« Je me suis donc mise à danser. Quand tout est absurde, il faut toujours danser. »

C’était apparemment la provocation de trop. Elle a appelé ses collègues pour m’encercler en disant que j’étais une petite conne. Les mecs avaient des tenues de robocop avec armes, des vraies. J’ai demandé si je pouvais toucher pour prendre conscience des risques que j’étais en train de prendre. J’ai demandé si je pouvais perdre un œil à cause de mon billet de train ? Ça ne les faisait pas rire du tout, mais j’avais une carte à jouer. Comme votre collègue ne vote pas Macron, je fais un petit sondage, vous non plus j’imagine vous ne vous êtes pas levé un Dimanche matin en disant et si on allait soutenir le mari de Brigitte ? Franchement les gars, je sais que vous marchez sans pitié sur des vieilles en ce moment, vous n’allez donc pas culpabiliser à m’en mettre une, et vous savez quoi, je vous l’autorise, si je peux filmer le fait que vous n’avez pas voter Macron. On fait un deal les gars. Une vidéo contre une claque sur mon oreille ? Deal ou pas deal ?

Comme j’avais l’air sûr de moi, l’un d’entre eux, le chef sans doute, m’a demandé si j’étais journaliste, j’ai dis non, pire, je fais partie des renseignements. Mais pas français. Il y a un eu blanc. Un silence. Le genre de brèche que je sais faire mienne. Je me suis donc mise à danser. Quand tout est absurde, il faut toujours danser. Ça décontenance. J’ai tapé un petit moonwalk sur un quai de gare. Les commères en avaient pour leur temps. J’ai ensuite fais un petit zouk, main droite sur le ventre, main gauche sur la tête. Ils voulaient se moquer de moi, mais ils n’y arrivaient pas, parce que je danse bien, j’ai le sens du rythme depuis toujours. La fille du début est revenue m’attraper pour m’arrêter, j’ai voulu la prendre par la taille pour danser, elle m’a retourné le bras dans le dos (mega douleur) et m’a éclaté mon instrument de travail, à savoir ma main gauche. J’ai donc du écrire tout ça avec un seul doigt de ma main droite.

La prochaine fois je prendrai un BlaBlaCar.

Zoé Sagan

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