Stratégie de la Russie en Ukraine : bonne ou mauvaise ?

Les conséquences d'une frappe russe contre un dépôt d'armes occidentales à Odessa (source : média russe)

La rubrique géopolitique du yetiblog est tenue par Le Grand jeu qui s’y connaît bien plus que votre serviteur sur ce sujet. Pourtant je confesse une appréciation différente de celle d’Observatus Geopoliticus sur les évènements en cours en Ukraine.

Pour Le Grand jeu, la stratégie de la Russie en Ukraine est « un fiasco stratégique ».

Si l’on s’en tient à ses nombreux tweets et à son dernier billet sur la question, OG considère que l’opération militaire de la Russie en territoire ukrainien a été trop maladroitement entamée, trop timorée pour atteindre ses objectifs – dénazifier, neutraliser l’Ukraine, contrecarrer l’influence de l’OTAN en Europe.

Des intentions occidentales qui ne se concrétisent guère sur le champ de bataille

Mon point de vue personnel diffère sur les points suivants :

  • Le renforcement de l’OTAN en Ukraine me paraît tout théorique, quand on considère que le régime ukrainien actuel est déjà une pure création de Washington (révolution de 2014).
  • Les armements, les formateurs militaires et même l’argent promis par l’Occident ne se matérialisent guère sur le champ de bataille.
  • Zelensky apparaît beaucoup plus comme un chef de guerre de plateau-télé occidental que comme un De Gaulle menant son pays à la victoire contre l’occupant.
  • La Finlande et la Suède ont toujours fait partie du bloc occidental. Leur adhésion à l’OTAN – « système en déliquescence » selon le général français Régis Champagne – ne change en réalité pas grand-chose à la situation réelle et relève surtout de l’effet d’annonce. La Russie a d’ores et déjà annoncé l’utilisation de ses immenses réserves militaires pour renforcer ses positions à la frontière de ses deux pays et on attend de voir sa réaction si l’OTAN s’aventurait à y installer des bases de missiles.

La patiente partie d’échec de la Russie

À l’inverse, en patient joueur d’échec, la Russie me semble avoir atteint quatre objectifs déterminants :

  • Au point de vue militaire, Poutine a réussi à disloquer l’armée ukrainienne et ses nervis néo-nazis, livrés à eux-mêmes, sans plus aucun commandement coordonné, réduit à mener quelques escarmouches sporadiques sans conséquences et pour le reste du temps à servir de chair à canon aux innombrables frappes russes.
  • Au point de vue stratégique, en occupant et en s’implantant durablement dans le Donbass et sur quelques îles de la mer Noire (île aux Serpents), la Russie s’est assurée une de ses défenses naturelles qui lui faisaient défaut. Elle tient sous son feu des points aussi cruciaux qu’Odessa et Lviv par lesquels transitent l’armement et le matériel occidental, via des entrepôts que l’armée russe ne s’est d’ailleurs guère privée de bombarder ces derniers temps.
Situation en Ukraine le 16 mai
(Source : Ministère des Armées)
  • Au point de vue géopolitique, la Russie à réussi à isoler le bloc occidental du reste du monde. Les sanctions se sont retournées contre les sanctionneurs au point de diviser ces derniers.
  • La Russie est même en voie de gagner la bataille de l’opinion publique, y compris au sein du bloc occidental, ce à quoi elle ne serait certainement pas parvenue en menant une véritable (et fort risquée) entreprise d’invasion militaire de l’Ukraine.
Un sondage choc révèle que les Américains “acceptent que l’Ukraine perde” la guerre contre la Russie de Poutine

Voilà, je ne prétends pas rivaliser avec la science d’Observatus Geopoliticus en matière de géopolitique. C’est même grâce aux enseignements du Grand jeu que je me permets cette petite incartade d’opinion vis-à-vis de mon maître. Il s’agit bien sûr d’un point de vue à un moment donné, susceptible d’évoluer. L’avenir nous départagera.

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