Sortie VOD du film de Todd Phillips : nous sommes tous des Joker

Le film Joker est désormais disponible en VOD et j’invite vivement les retardataires (comme moi) à le découvrir. C’est une œuvre monumentale, magistrale, profondément politique et sociale, totalement ancrée dans notre chaotique réalité et engagée jusqu’à la subversion.

Je ne m’étais pas résolu à aller voir le film en salle auparavant. Dans ma petite ville bretonne, il était sorti dans un de ces insupportables multiplexes ciné-popcorn de centres commerciaux périphériques, avec des séances en version française pour la plupart, et juste quelques rares passages en VO, mais à des horaires impossibles.

Évidemment, ce qui m’intriguait, c’était de trancher la polémique qui courrait entre ceux qui présentaient le film comme une œuvre d’engagement politique sur les soulèvements populaires en cours (les Gilets jaunes) et ceux qui ne voulaient y voir qu’une apologie de la violence individuelle commise par un anti-héros de BD en plein délire psychiatrique.

Une chose était sûre : le temps de conception et de réalisation (entamée en septembre 2018) d’un film sorti en 2019, ne permettait pas sérieusement d’attribuer au réalisateur Todd Philipps une quelconque volonté de vouloir illustrer consciemment les soulèvements populaires de 2019, fût-il celui des Gilets jaunes (même si le jaune – le gilet du Joker et jusqu’à la couleur du lettrage du générique – y est omniprésent de bout en bout).

Les ennemis du Joker : les représentants de l’autorité ; ses adeptes : les déshérités

Mais il apparaît vite, quand vous le visionnez, que le film est profondément politique. Les ennemis directs du Joker (Joaquin Phenix) sont d’abord :

  • les représentants de l’autorité, comme le candidat à la mairie de Gotham City, cette mégalopole rongée par le chaos social, le chômage, la criminalité et la crise financière ;
  • l’animateur puant d’une chaîne TV mainstream (Robert de Niro) ;
  • l’institution médicale qui bourre Arthur Flek d’anti-dépresseurs pour éviter ses débordements de violence et qu’il ne devienne un Joker incontrôlable ;
  • la police qui, comme à sa sale habitude, pourchasse impitoyablement tout fauteur de l’ordre établi du moment, fût-il insupportable…

Loin d’être un cas pathologique (criminel) isolé comme tente désespérément de nous le faire croire notre “upper class” dirigeante sur la défensive, Arthur Flek devenu le Joker se voit rejoint par la foule des déshérités qui prennent sa défense en arborant tous un masque de clown [photo]… comme d’autres revêtirent le gilet jaune pour signifier leur colère et leur révolte.

Enfin, le Joker de Todd Phillips est aussi et surtout un film engagé. Et encore plus, terriblement subversif. Car, sans spoiler la fin, et contrairement aux grands films politiques des années 70 et 80, ce n’est pas forcément le héros qui finit broyé par le système.


Post-scriptum : je conseille à tous de regarder également l’excellent making-of figurant après le film en version VOD

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
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