Terrible, ce sondage sur les jeunes réalisé par Ipsos-Logica Business Consulting pour le quotidien le Monde les 18 et 19 novembre, en partenariat avec France Inter : égoïstes pour 63 % de leurs parents, paresseux pour 53 %, intolérants pour 53 %… L’amour parental porté à son comble !
Mais encore plus terrible, l’insidieuse compassion rajoutée à ce constat sans appel : 71 % de nos chers « parents » admettent que la situation des jeunes s’est détériorée par rapport à leur propre époque, 92 % pour des raisons de problèmes d’emploi, 89 % pour des questions de logement, 84 % à cause d’un pouvoir d’achat en berne.
Ce qu’il leur faudrait, c’est une bonne guerre
Mais alors, qu’est-ce à dire ? Que les jeunes, ces « égoïstes », ces « paresseux », ces « intolérants », seraient responsables de la mouise dans laquelle ils sont plongés ? Coupables de la détérioration du monde d’avant et de ses glorieuses « valeurs » ? Celui qui aujourd’hui nous menace d’une Le Pen, nous donna un Sarkozy et pourrait bien le remplacer par un « pédalo » ?
Le plus drôle, c’est que 70% des « vieux » jugent, avec une pointe de regret dans la formulation, les jeunes plus révoltés que disciplinés ! Disciplinés à quoi ? Aux injonctions des banques et des donneurs de leçons morales sur la fraude à la Sécu (quand d’éminents élus s’alimentent sans complexe dans des valises africaines et chez de vieilles milliardaires fraudeuses de fisc) ?
Oh, le joli naufrage ! Oh, ce réflexe péteux qui consiste à rejeter sur autrui, fussent-ils ses enfants, la responsabilité de ses propres égarements ! Le monde qu’on leur laisse à nos minots ! Et on s’étonne qu’ils répugnent à s’y engager, qu’ils tirent au flanc ! Tiens, ce qu’il leur faudrait, à ces garnements, c’est une bonne guerre ! Ça vient.
Autoflagellation ?
Plus intrigant encore, selon Le Monde, les jeunes ne porteraient pas un meilleur jugement sur eux-mêmes : 70% des moins de 30 ans << se jugent eux-mêmes >> égoïstes, 65% paresseux, 51% intolérants.
Pas réussi à mettre la main sur le détail de ce sondage, ni sur le site d’Ipsos, ni sur celui de Logica Business Consulting (<< be brilliant together >>, ho ho ho !). Mais j’aimerais bien connaître la question qui fut posée à ces jeunes pour qu’ils s’autoflagellent ainsi.
Je vous fiche mon billet que les qualificatifs d' »égoïstes », « paresseux », « intolérants » ne furent pas spontanément utilisés par les sondés, parents ou jeunes, mais « suggérés » par le questionnaire. Et que les sondés n’appliquent pas ces qualificatifs à eux-mêmes, mais à leurs compagnons d’infortune.
Puisque les sondages vous le disent…
On ne niera pas la réalité des conclusions de cette enquête. Mais on est à même de se demander pourquoi celle-ci et pas une autre. Quelle est la signification d’une telle étude où 83% des parents trouvent leurs enfants différents de ce qu’eux étaient jadis ? Eh bien, essayer de convaincre les 17% restants qu’il en est réellement ainsi, foi de sondage !
Et en même temps, distiller le méchant venin de la paralysante culpabilisation (comme celui sur les resquilleurs à « l’arrêt maladie »), creuser à dessein le fossé entre générations (comme celui entre Français de souche et Français par raccroc, peut-être même sans papier).
On attend de nos organismes faiseurs… euh, sondeurs d’opinion qu’ils posent à leurs échantillons la question suivante :
<< Trouvez-vous vos responsables politiques actuels :
- corrompus ?
- incompétents ?
- carriéristes ?
- honnêtes ? >>