Si même l’Obs… un éditorial au vitriol de Pascal Riché

Photo : Ludovic Marin/POOL/AFP

Du temps de feu Rue89, j’avoue avoir éprouvé une grande satisfaction à travailler avec son rédacteur en chef, Pascal Riché. Depuis je me demandais ce qu’il avait fait pour s’égarer ainsi dans la galère de l’Obs. Et puis voici cet édito dont on ne peut critiquer que le titre un brin abscons pour le commun des lecteurs (une « dystopie » est une forme de récit de fiction, se déroulant dans une société imaginaire, visant à en dénoncer les défauts).


Ceci n’est pas une dystopie

Un prince qui pérore avec ses sages pendant que son chambellan convoque l’armée et les drones pour mater une révolte venue de la périphérie… Il flotte sur la France un petit parfum de roman d’anticipation.

Dans une très galaxie proche, très proche, un prince pérore pendant des heures avec 60 sages venus respectueusement lui présenter, au palais, leurs requêtes. Pendant ce temps, son loyal chambellan dresse les plans pour réduire une bonne fois pour toute la « révolte jaune » venue de la périphérie de la capitale, et mâter sa phalange la plus violente, le « Black Bloc », composée d’agitateurs furtifs, habillés de noir de pied en cap, reliés entre eux par messagerie cryptée. Ce mouvement dure depuis plusieurs mois, et rien ne semble en venir à bout. Pas même cette magnifique opération de libération nationale de la parole, dont le prince s’est proposé d’être lui-même le grand ordonnateur.

Que faire ? Les ministres du prince déploient les grands moyens. Des drones décolleront pour surveiller les révoltés ; des arrestations préventives seront organisées ; des « marqueurs » liquides, invisibles et indélébiles, sont projetés sur les insurgés les plus redoutés… Un ministre de la police affirme : « S’il le faut, nous interpellerons massivement. » On réquisitionne l’armée pour protéger les bâtiments officiels et les boutiques de luxe de la capitale. Le luxe, n’est-ce pas le symbole ultime du pays, ce qui fait sa réputation dans la galaxie ? Mais on rassure la population : la Mission Sentinelle « ne participera pas au maintien de l’ordre », elle « n’ouvrira pas le feu ». L’armée, c’est la paix !

Pour justifier toutes ces mesures martiales, le monarque et ses ministres évoquent la nécessaire défense de la démocratie et de la liberté, un discours que relaient avec ferveur des hommes-troncs dans les petits appareils portatifs greffés sur chaque citoyen. L’un d’eux évoque la possibilité d’utiliser des stades pour parquer les manifestants violents…

Dans leurs uniformes noirs, les dingos du « Black Bloc », en coulisse,  jubilent : leur objectif, exposer le caractère répressif par essence de ce « régime-au-service-du-capital », est sur le point d’être atteint. Le Prince a-t-il enclenché un engrenage dont il ne pourra plus sortir ? À suivre.

Pascal Riché

=> Source : L’Obs

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