Jacques Sapir : « le taux de chômage réel de la France se situe à 14,7 % »

Toujours intéressantes, les analyses de Jacques Sapir sur la situation économique de la France. Celle qu’il vient de faire sur la réalité du « chômage(s) » en France l’est tout particulièrement et redonne sa véritable mesure à ce si douloureux problème social.

D’abord, dit Sapir qui n’hésite pas à enfoncer les portes ouvertes par souci de précision, les chiffres officiels ne concernent pas à proprement parler le nombre véritable de chômeurs, mais celui des demandeurs d’emplois officiellement recensés.

Plus encore, ajoute-t-il, tout tient, non dans les chiffres bruts recueillis, mais dans la façon de les présenter. En France, précise-t-il, << c’est la catégorie A [demandeurs d’emploi sans emploi et tenus de faire des actes positifs pour en trouver, ndlr] qui est constamment citée >>.

L’agrégat statistiquement masqué

Mais quid de la catégorie B [72 heures ou moins de travail dans le mois] ?

Ou encore de la catégorie D [idem que la catégorie A, sans emploi, mais sans obligation de justifier une quelconque recherche] ?

Allez passons, concède Sapir, magnanime, sur les catégories C [un temps d’emploi mensuel supérieur à 72 heures, mais n’excédant pas 156 heures, comme bon nombre de vos caissières d’hypermarché] ou E [bénéficiaires de contrats aidés, par exemple]. Même si la situation de ces deux catégories de précaires « quasi-chômeurs » ne peut guère être niée.

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N’empêche, calcule Sapir, que si l’on additionne logiquement les sans-emplois des catégories A+B+D, on obtient un taux de chômage (pardon, de « demandeurs d’emplois » officiellement recensés) non de 11,5 %, mais de 14,7 %, << ce qui est largement au-dessus de la côte d’alerte >>.

Sapir :

<< L’agrégat B+D correspond à un chômage statistiquement masqué. >>

Troubles desseins

Un masque statistique non dépourvu de quelques troubles desseins. Car l’on constate que les deux catégories B+D opportunément masquées sont celles qui ont le plus progressé ces treize dernières années ! (On notera en passant la magnanimité de Pôle emploi qui épargne opportunément à certains chômeurs chroniques l’obligation de se justifier devant leurs guichets.)

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Mais bast, qu’attendre de plus de nos finauds « inverseurs de courbes » ?

On notera juste que Jacques Sapir n’a pas éprouvé le besoin de s’appuyer sur une autre de leur ficelle : les radiations autoritaires [la bagatelle de 299 600 en décembre dernier]. Ni chercher à comptabiliser la foultitude des non-inscrits (les découragés, les hyper-précaires, les crevards, les non-indemnisés, les travailleurs indépendants en souffrance, les autoentrepreneurs sans revenus…)

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