
Le ton est donné : au matin de l’acte 19, les coups de menton fébriles des autorités se multiplient, reconnaissant ainsi au soulèvement des Gilets jaune son caractère révolutionnaire.
Le maire de Nice, Christian Estrosi a été le premier à interdire la manifestation dans sa ville. À Paris, le secrétaire d’État à l’intérieur Nuñez a prévenu que chaque manifestant en gilet jaune serait considéré comme un « émeutier ». En Bretagne, les trois préfets des trois départements ont pris des arrêtés interdisant les trois rassemblements prévus dans les trois villes de Rennes, Saint-Brieuc et Vannes. Dans les Hautes-Pyrénées, le préfet a décrété une interdiction de manifester du samedi 23 mars à 18h jusqu’au dimanche 24 à 6h : on appelle ça un couvre-feu.
Un certain trouble perceptible dans les rangs militaires
Lors de toute période révolutionnaire, chacun est appelé à prendre ses responsabilités. Celle des forces armées sera décisive. Appelée à la rescousse par un pouvoir affolé, sans doute de façon un brin précipitée puisque le chef d’État-major des armées, le général François Lecointre, ne semble pas avoir été prévenu de la réquisition de la force Sentinelle pour le samedi 23 mars, la Grande muette donne des signes contradictoires. Si le général Bruno Leray, gouverneur militaire de Paris, a mis de l’huile sur le feu en déclarant que les soldats pourraient « aller jusqu’à l’ouverture du feu », d’autres voix discordantes s’élèvent :
« On est dans une ambiguïté, dans un mélange des genres, qui est politiquement très dangereux sociétalement » (général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, sur France info).
« On n’a rien à faire dans ces histoires de gilets jaunes (…) Nous, on lutte contre un ennemi. Et l’ennemi ne peut pas être la population, ce n’est pas possible. C’est la situation dans laquelle on essaie de mettre les militaires aujourd’hui. » Un militaire sous anonymat.
— JacquesCotta (@JacquesCotta) March 22, 2019
On remarquera le silence du général Lecointre qui n’a ni confirmé, mais ni infirmé non plus, avoir été court-circuité par la décision gouvernementale de détourner la force Sentinelle de sa mission de protection anti-terroriste.
La France n’est pas un pays de tradition autoritaire
Au cours de notre histoire de France républicaine, rares sont les interventions de l’armée pour le maintien de l’ordre dans les affaires intérieures du pays. La dernière se déroula en Algérie, il y a plus de 50 ans, note le général Desportes. Si ces interventions firent couler le sang, elles ne modifièrent pas le cours de l’Histoire : l’Algérie parvint à son in dépendance.
On remarquera également qu’à l’exception de l’épisode napoléonien, aucune dictature civile ou militaire ne dirigea le pays depuis la Révolution de 1789. À la différence de l’Allemagne, de l’Italie ou de la Russie, comme l’analyse Emmanuel Todd, la France n’a jamais été un pays de tradition autoritaire, mais de type libéral égalitaire. L’autorité et l’inégalité n’y sont à la rigueur supportées que par ceux qui en tirent profit (ou n’en pâtissent par trop directement), écrivais-je dans le yetiblog en septembre 2017, pour expliquer pourquoi, contrairement à l’Allemagne, la France comptait plusieurs révolutions sociales à son actif.
Sans exclure la possibilité d’accidents ponctuels, le danger militaire ne me semble donc pas des plus imminents et pourraient même se retourner contre ceux qui sont aujourd’hui tentés d’en abuser. Le dernier « coup d’État » mené en France par un militaire eut lieu en 1958 lorsque le Général de Gaulle mit fin à la 4ème République pour instaurer la 5ème du nom. Le général de Gaulle rendit immédiatement le pouvoir aux citoyens.