Retraites : des arguments en retard d’une révolution

Ce qui pose problème avec cette histoire de retraites, c’est que la discussion repose trop souvent sur des bases de réflexion erronées. Ainsi cet argument ressassé sur l’allongement de la durée de vie. Ou, de l’autre côté, celui revendiquant la taxation des revenus financiers comme solution idéale.

De doctes économistes suent force équations pour nous démontrer combien le premier argument est incontournable. Encore une fois, celui-ci ne tient pas et peut être aisément balayé :

  1. il repose sur le mythe du plein-emploi qui n’existe plus depuis plus de trente ans ;
  2. il néglige le fait que parallèlement à cet accroissement réel de la durée de vie, nous avons assisté à une augmentation bien plus rapide encore de la productivité ;
  3. suffisante pour condamner tout espoir d’un retour au plein-emploi et justifier au contraire la diminution du volume de travail dans le monde entier.

<< Le chômage, une sorte de retraite anticipée ?! >>

Exactement, hibou éberlué. Sauf que le chômage est encore moins reconnu que la retraite, non seulement financièrement mais aussi moralement.

Voilà pourquoi les chômeurs, plutôt que de mettre à bon profit leurs moments d’oisiveté et de loisirs, ruminent leur misère et leur honte.

Réclamer le sauvetage du système des retraites tout en priant pour le retour à un plein emploi impossible, est un non-sens qui mène dans le mur. Nous ne sortirons de cette Grande Crise que si nous cessons de raisonner sur un modèle de société obsolète, avec des mots d’ordre périmés.

<< Ta révolution, c’est pas demain la veille ! >>

Pas demain, hulotte sceptique, mais aujourd’hui. Une révolution est en marche qu’aucun de nos séditieux patentés n’a vu venir. Des fondements de notre vieille société qu’on croyait inamovibles sont en train de s’effondrer, des valeurs de se dégonfler, des idées reçues d’imploser.

La valeur-travail mise à mal, comme nous l’avons vu. La croissance aux abonnées désespérément absentes. L’argent-roi lui aussi bafoué. Aujourd’hui, sur Internet, des petits malins créent et échangent des richesses à grande échelle, en se passant de la sacro-sainte valeur-étalon : logiciels libres, images, vidéos, musique, culture, informations…

Sauf à mettre leurs pays à feu et à sang, des puissances qui affectent de ne jurer que par le fric sainement gagné, sont contraintes de redistribuer des richesses élémentaires (nourriture, logement) via des tickets de rationnement, des aides diverses, des subventions.

Donc sans passer par la case travail. Sans s’appuyer sur une croissance désormais inutile (puisque nous avons plus que  tout). Mais par une augmentation d’une dette publique si faramineuse que plus personne ne sera en mesure de la rembourser un jour.

<< Il faut taxer les revenus financiers ! >>

Les fausses bonnes idées ne viennent pas que d’un seul côté, héron à vue rétrécie. C’est quoi ces revenus financiers ? Pour la plupart, ils sont désormais le produit de paris destructeurs sur les variations de prix (spéculation sur les matières premières, par exemple) ? Pour sauver ainsi les retraites, faudrait-il pérenniser ces produits hautement toxiques qui nous minent et devraient être interdits ?

Pire, depuis 2007, les magouilleurs de la haute finance ont détruit en bourse plus de la moitié de la valeur des actions des entreprises qui y était cotées. Ont-ils pour autant détruit les capacités de production de ces entreprises ? Non. C’est dire la valeur et l’utilité de leurs chiffons de papier.

Et toi, malin, tu voudrais garantir tes vieux jours en attendant ton dû de cette monnaie de singe qui n’est que jeu d’écritures évanescent pour demeurés ? Un peu comme si tu liais le sort de la retraite par répartition à celui de nébuleux fonds de pension.

<< Le 23 septembre, tu es des nôtres à la manif ?>>

En tout cas, certainement pas avec les mêmes banderoles jaunies, ni les mêmes slogans usés, ni les mêmes revendications illusoires. J’ai d’ailleurs commencé à préparer mon argumentaire à moi.

Le monde a changé. Une révolution majeure est enclenchée, qui dépasse jusqu’à ceux qui se croyaient les maîtres du monde. Et que nos têtes ont bien du mal à appréhender et à suivre. D’une société de croissance qui a atteint ses limites, nous devons passer à une société de gestion des richesses existantes. Y compris pour ceux qui ne les produisent pas par leur travail.

Faute de nous reprendre à temps, de prendre un peu de hauteur pour regarder les choses en face et trouver les vraies bonnes solutions, ce sont ces choses qui nous ramèneront les pieds sur terre. Douloureusement.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.