Retournerons-nous un jour au restaurant de la mère Patate ?

La scène se passe au petit marché du bourg vendredi après-midi. Je suis assis sur un muret avec deux sacs à provisions déjà lourds. À coté de moi, un improbable vendeur de produits locaux, des gâteaux et des petits plats cuisinés vraiment très très artisanaux. Une dame en manteau et cabas à roulettes l’a rejoint derrière son petit étal. Tous les deux ont depuis longtemps dépassé l’âge de la retraite (même celui d’aujourd’hui). Ils échangent de vieux souvenirs.

– … Et tu te souviens le restaurant de la mère Patate ? On y allait souvent. Aujourd’hui, ça serait plus possible. Plus les moyens. Ça peut plus durer.
– C’est sûr, ça va péter.

La dame se tourne vers moi, me prend à témoin.

– La mère Patate, on l’appelait comme ça parce que son mari était négociant en pommes de terre. On gagnait trois francs six sous, mais on pouvait aller manger chez elle toutes les semaines. Aujourd’hui, c’est plus possible. Je suis veuve de militaire ancien combattant. Même pas 1000 euros par mois pour vivre. Et l’autre, là, pas Macron, l’autre, Philippe je sais plus quoi…
– Édouard Philippe.
– Oui l’autre qui nous dit qu’il comprend, qu’il patati patata, mais qui veut continuer pareil à nous plumer ! Ça peut plus durer, ça va péter !

Je laisse mes deux interlocuteurs à leur conversation et repars avec mes deux sacs à provision. À la maison, d’autres tranches de vie terribles défilent sur mon écran d’ordinateur. Mon pauvre pays !

Pourtant, loin de nous abattre, ces scènes devraient nous convaincre de ce qu’il nous reste à faire si nous voulons retourner un jour au restaurant de la mère Patate.

Publiée par Ritchy Thibault sur Vendredi 6 décembre 2019

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