RETOUCHES

((/public/Cernes2.jpg|Cernes2.jpg|L)) La députée UMP Valérie Boyer vient de déposer une proposition de loi sur les photos retouchées des magazines en papier glacé, obligeant ceux-là à indiquer les infractions à l’ordre naturel des choses et à ses imperfections supposées. Branle-bas de combat chez les lifteurs impénitents.  »« Une manière de refuser le progrès ! » (clament nos indignés)  »… Un mauvais coup au rêve et à la beauté ! » » Haro sur le bouton assassin, le pli offensant, le bourrelet humiliant, la cerne sacrilège ! Sur ces couvertures transies, jamais l’ombre de ces délicats plis nasogéniens ornant les ailes frémissantes des nez, nulles pattes d’oies imprimées de nos rires passées, ni rides du lion révélant l’intensité d’une réflexion.

Drôle, cette manie forcenée de vouloir gommer à tout prix les « injures » du temps qui passe, les « outrages » de l’attraction terrestre, les « méfaits » de dame Nature. __Une peur panique de l’éphémère, une quête frénétique d’éternité__ On pourrait s’en amuser, tourner en dérision ces tristes « effaceurs de gueule ». Oui, on pourrait. Si cela ne dénotait pas une faille plus profonde dans notre comportement, par imprégnation tourmenteuse des critères impitoyables de la beauté éthérée. Oh, cette peur panique de l’éphémère et de son aboutissement désespérément mortel, cette fébrilité dans le paraître, cette injure faite à notre soif d’absolu et à notre quête frénétique d’éternité ! Quelle désolation que ces vedettes crépusculaires à la peau tendue à craquer, mimant les jeunes filles et les jeunes hommes qu’elles et ils ne seront plus. Ce défilé de « stars » (sic) aux lèvres artificiellement gonflées, seins et culs siliconés, épiderme uvétisé à outrance. Cette basse-cour de modèles plus ou moins top, plus frigorifiantes que le support sur lequel on les couche. Et quelle pitié que ces barbons chenus cherchant dans quelques jeunesses légères ou à travers ces ectoplasmes anémiques un oubli à leur ventripotence obstinée. Ces ménagères s’échinant à essayer d’éradiquer tout ce qui les distingue de cette concurrence réfrigérée. __Salive, rot, urine, sperme… : tout ce qui sort de notre corps est maudit__ Que de dérives pitoyables et dangereuses, aussi ! Ces pulsions anorexiques, ces excès pharmaceutiques de convenances, et jusqu’à ces aberrations monstrueuses que sont ces nanotechnologies par lesquelles l’être humain a la prétention de bricoler et de manipuler le cœur même de son atome. Mais bast de ces délires inénarrables qui n’aboutissent une fois de plus qu’à une négation pénible de notre enveloppe charnelle naturelle, de ce corps récalcitrant aux quatre volontés de notre conscience en folie ! Avez-vous remarqué comme tout ce qui sort de notre corps est maudit ? La salive, la goutte-au-nez, le rot, l’urine, les menstrues, le sperme, les excréments… Et même la sueur, cette odeur pourtant enivrante qu’exhale la fusion des corps amoureux. Ne vous étonnez-vous pas après, quand, inversion saugrenue du sens et des sens, nous souhaitons à nos pires ennemis ce qui pourrait en d’autres circonstances leur être si formidablement et physiquement agréable ?  »« Va te faire enc… ! Va te faire f… ! Les b…, comptez-vous ! » » __L’être humain égaré dans une ambition trop grande pour lui__ Pauvre petit être humain égaré dans une ambition trop grande pour lui, se jouant la comédie du lisse et de l’inodore, de la fabulation conte de fée et de la négation des réalités ! Je crains fort que le projet de loi de notre infortunée députée ne suffise pas à le désencrasser de ses obsessions d’infini. Tant pis ! Allez viens, mon vieux. Dehors brille un soleil frileux. La terre exhale l’odeur prégnante des premières feuilles d’automne. Passons à autre chose et terminons cette petite chronique amusée en trinquant tous les deux. Foin de ton foie et de ton cholestérol, goûte-moi ce velours et oublie un peu toute cette indigeste salade ! Ça te mine le sang et ça te rend neuneu.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.