Réforme des régions : la globalisation à l’échelle des clochers

Le cul-de-sac de la mondialisation planétaire ne leur suffisait pas. La globalisation, à l’échelle de l’Europe par exemple, n’avait pas assez montré ses limites. Voilà qu’en essayant de réduire le nombre de ses régions de 22 à 14, le président d’une république nationale étend cette globalisation à l’échelle des clochers de son pays. Au nom, bien sûr, de la « modernité ». Suicide assuré.

D’abord, écartons une idée répandue. Non, la réforme des régions n’est pas une nouvelle idée farfelue du président Hollande pour redorer son blason. François Hollande ne fait qu’obéir aux injonctions d’économies formulées de façon pressante par la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI). Le secrétaire d’État Vallini ne parle-t-il pas de réaliser un gain budgétaire situé entre 12 et 25 milliards d’euros ?

Le véritable danger de cette réforme ne réside pas non plus dans le seul rapprochement hasardeux de vieilles provinces repliées sur les restes de leurs particularismes séculaires.

Un transfert de charges et de personnels impossible

La menace grave que fait peser cette réforme précipitée tient d’abord à la restructuration sauvage et aux transferts de charges qu’elle va entraîner. C’est pour ignorer les principales compétences des institutions concernées (les régions, les conseils généraux des départements, les municipalités) que l’accent me semble insuffisamment mis sur cet aspect de la chose.

Trois exemples :

  • Que vont devenir les 22 Académies de l’Éducation nationale liées aux actuelles régions ? Qui, dans les monstruosités administratives à venir, va gérer avec discernement les lycées, la formation professionnelle, les apprentissages, les professions sociales et paramédicales ? Quid de l’invraisemblable transfert de personnel à effectuer ?
  • Savez-vous que ce sont ces Conseils généraux appelés à disparaître qui au sein des départements actuels ont charge de l’aide sociale ? Qui, dans les nouveaux bunkers bureaucratiques, pour gérer — ne parlons même pas d’humanisme — la protection de l’enfance, l’insertion des personnes en difficultés (RSA), l’aide aux personnes handicapées et âgées, la prévention sanitaire ?
  • Enfin, les maires des villes, ces ultimes élus de proximité avec les citoyens, ne sont-ils pas en train de perdre leurs dernières prérogatives au profit d’intercommunalités que la « réforme Hollande » (sic) va faire passer de 5 000 habitants minimum à 20 000 ? Qui va gérer le quotidien des écoles, des routes communales, des jardins publics ? Des machines ?

Une fuite en avant suicidaire

En réalité, cette réforme de bric et de broc, qui n’est motivée par aucun autre impératif que de « faire des économies » (j’aimerais qu’on nous définisse un jour cette expression imbécile), caractérise les fuites en avant pulsionnelles et suicidaires qui frappent les régimes en pleine déshérence.

Loin d’être une « optimisation » (rires) des compétences, n’ayant aucunement l’efficacité pour préoccupation, cette globalisation administrative qui ne dit pas son nom procède de la panique, en même temps qu’elle éloigne un peu plus les centres de décision du contrôle démocratique citoyen.

Si tant est que cette nouvelle réforme de perlimpinpin voit le jour, laissons les sommités affolées du monde d’avant casser les derniers rouages de leur pitoyable jouet. « Les civilisations ne meurent pas assassinées », écrivait le philosophe Arnold J. Toynbee cité par Paul Jorion, « elles se suicident. »

De fait, la triste manœuvre d’un président Hollande à la ramasse va à l’encontre de la modernité invoquée et participe involontairement à l’éclosion du monde d’après. Car ce qui est tendance aujourd’hui, comme nous le verrons dans de prochains épisodes de cette petite série, ce n’est plus la globalisation, mais l’inéluctable relocalisation des activités humaines.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.