Rapport Angelides : comment les banques organisèrent leur suicide

Rapport AngelidesDrôle comme il est passé inaperçu, ce rapport Angelides qui décrivait les origines de la crise financière de 2008 et anticipait en filigrane ses aboutissements : la mort du système… et le suicide des banques qui pensaient lui survivre en spéculant contre lui !

Écrit par une commission de huit personnalités indépendantes sous la houlette de Phil Angelides, ce rapport conclut une minutieuse enquête de terrain et fut remis le 27 janvier 2011 au président des États-Unis et au Congrès américain.

« Des faiblesses quasi fatales à notre système financier »

Ses conclusions sont accablantes :

« Au cours de notre enquête, nous avons identifié des défaillances dramatiques dans la gouvernance des entreprises, des trous béants dans nos systèmes de régulation et des faiblesses quasi-fatales à notre système financier. »

Or comment réagirent les établissements bancaires lorsqu’ils s’aperçurent que le système financier, par ses excès, courrait au précipice ? Ils firent ce que seul le fou peut commettre : l’irréparable en spéculant à qui mieux mieux sur la mort du système, précipitant sa chute… et entérinant leur future perte !

Aidées dans un premier temps par des autorités politiques complices qui déversèrent des tombereaux de milliards pour les sortir du séisme de 2008, les banques purent donner l’illusion d’avoir réussi leur affaire en s’égosillant sur leurs profits retrouvés et leur bonus ébouriffants.

Un système mondialisé bâti comme un château de cartes

Comme il était facile de le prévoir, ces banques (à commencer par l’américaine Goldman Sachs et l’allemande Deutsche Bank) se trouvent désormais prises à leurs propres pièges. Après avoir asséché les finances publiques des pays, nos arrogantes doivent affronter les difficultés de paiement de plus en plus criants de leurs « sauveteurs » : c’est la crise de la dette.

Rien que pour la France, les engagements des banques représentent plus de 4 fois le PIB national, plus de 60 fois la capitalisation bancaire propre qui leur permettrait de faire face aux défauts de solvabilité de leurs débiteurs, plus de 1068 fois les profits « monstrueux » qu’elles prétendent dégager.

Que des pays comme l’Islande renvoient balader leurs créanciers (fait par référendum à deux reprises), que la Grèce, le Portugal, l’Espagne en viennent à faire défaut (on s’en approche à grands pas), et c’est le coup fatal porté aux banques allemandes, françaises, anglaises… donc à tout un système mondialisé bâti comme un infernal château de cartes.

Un point de non-retour systémique

En janvier 2011, le rapport Angelides alertait :

« Nous avons découvert qu’une série de décisions et d’actions nous ont conduits vers une catastrophe à laquelle nous étions mal préparés. Ce sont des sujets graves, que l’on doit affronter et résoudre afin de rétablir la confiance dans nos marchés financiers, afin d’éviter la prochaine crise et reconstruire un système capitalistique qui puisse fonder une nouvelle ère, celle d’une prospérité largement partagée. »

Quatre mois après, rien n’a été fait, bien au contraire. Pire encore, le système financier détraqué continue de spéculer, à travers des taux obligataires frisant l’apoplexie, sur sa propre mort. En Grèce, en Irlande, au Portugal…

Et maintenant aux États-Unis où l’agence de notation Standard & Poor’s vient d’abaisser à « négative » la perspective de la dette souveraine américaine, semant une nouvelle panique dans cet asile spécialisé, et transformant un peu plus les actifs florissants des banques en produits hautement toxiques.

La vérité est que ce point de non-retour systémique est désormais dépassé. Qu’annoncer la mort du système n’est plus une prévision parmi d’autres mais un constat de plus en plus vérifié. Mais pouvait-on attendre des fous qu’ils trouvent eux-mêmes les remèdes à leur mal ?

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.