Quand on mène une guerre, on ne discute plus, on se bat

Lorsque j’ai entamé les chroniques de ce yetiblog, fin 2005, j’avais la conviction que la fin d’un monde était enclenchée. Et qu’il fallait que je la raconte, que je tienne la chronique de cette agonie.

Je me souviens la tête de mes amis de Rue89 lorsqu’ils décidèrent de relayer mes petits billets, en 2009 : « Sérieux, tu penses vraiment que ce monde est fini ? »

Je me souviens des commentaires qui suivaient invariablement chacun de mes textes : « Ah, le Yéti, ça fait des années qu’il nous annonce la fin du monde, mais celui-ci est toujours là ! »

Le doute parfois me saisissait. Et s’ils avaient raison ? Mais non, non, toutes mes observations de l’évolution de ce monde me ramenaient à ma conviction première. Ce monde était bel et bien en train de mourir et rien ne le ressusciterait. Simplement, la mort d’une civilisation ne tient pas sur la longueur d’un journal télévisé à 20 heures. L’agonie est longue, chaotique.

De la chronique au combat

Que pensent aujourd’hui mes amis de feu Rue89 de l’évolution de ce monde ? En 2013, quand je les ai quittés, le président en poste n’était pas contraint de se déplacer dans des villes placées sous couvre-feu policier, ne prenait pas de faux bains de foule en petits comités organisés, n’était pas réduit à des déplacements surprises où il se faisait malgré tout insulter, ne se faisait pas huer tout au long de la descente de Champs-Élysées désertés le 14 juillet. En 2013, il n’y avait pas de Gilets jaunes dans les rues chaque samedi depuis un an. Les services d’urgence des hôpitaux n’étaient pas d’insupportables cloaques…

Aujourd’hui, mes chroniques de yetiblog ont elles aussi évoluées. Elles ne se contentent plus de raconter la fin d’un monde, elles entendent bien y participer. Mais les objections demeurent : « On te trouve bien optimiste ! »

Mais non, non, vous confondez l’optimisme et la combativité ! Quand on a décidé de mener une bataille, on ne s’interroge sur le bien fondé de cette bataille, on ne se demande pas si on a des chances de la gagner et encore moins de la perdre. On cogne ! Ou au moins on essaie de donner du cœur au ventre aux compagnons de lutte qui sont en première ligne.

Gilet jaune blessé

Pire qu’une guerre perdue, une guerre juste qu’on ne mènerait pas

« On ne peut pas discuter avec toi ! » C’est vrai, je l’admets. D’ailleurs, il y a belle lurette que j’ai supprimé les commentaires au bas de mes billets. Mais quand  on mène une guerre, on ne discute plus, on se bat.

« Bon, ok, admettons que tu la gagnes, ta guerre. Et après ? » Après – est-ce que ce sera mieux ? est-ce que ce sera pire ? – je ne sais pas, je l’admets. Mais je sais par contre parfaitement ce qu’il adviendra si l’on ne mène pas cette guerre et si on ne la gagne pas : un avenir de mort et de désolation.

Voilà pourquoi chacun de mes billets de yetiblog se veut une attaque meurtrière contre le vieux monde agonisant. Contre un vieux monde mortifère, il y a pire qu’une guerre perdue  : celle qu’on ne mènerait pas.

A propos de Pierrick Tillet 3385 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.