Une nouvelle et vilaine tourmente s’est mise à souffler dans les branches déjà malmenées de nos maîtres du monde. Ceux-là en restent suffoqués d’indignation. La cible de leur vindicte et de leur émoi : ces trois irrespectueuses agences de notation (Fitch, Standard & Poor’s, Moody’s), coupables de crime de lèse-majestés à répétition.
Ça allait quand celles-là tiraient sur le menu fretin ou les seconds couteaux, mais voilà qu’elles s’en prennent désormais au gratin ! Dans leur collimateur :
- les « PIIGS », c’est-à-dire le Portugal, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne et bien sûr la Grèce que l’agence Moody’s vient de descendre au dernier rang d’infamie, ce « Caa1 » synonyme de défaut de paiement de plus en plus assuré ;
- mais aussi les USA eux-même, qui viennent de se faire cingler pour leur douteuse capacité à résoudre le problème de leur déficit budgétaire ;
- mais encore la Franceet l’Autriche, ces fleurons auto-proclamés de l’Union européenne, dans le collimateur pour cause d’incapacité chronique ;
- pour couronner le tout, voilà que Moody’s s’en prend à nos bonnes vieilles banques hexagonales -– BNP, Crédit Agricole et Société Générale –- pour leur exposition périlleuse à la dette grecque.
La révolte trop tardive des « majestés » humiliées
Méchamment attaqués aux mollets par les molosses de ce grand marché auquel ils se sont imprudemment abandonnés, nos maîtres du monde amorcent une révolte aussi poussive que trop tardive.
Jean Quatremer, journaliste au quotidien Libération et européiste convaincu (envers et contre tout résultat de référendum), y va de son couplet vengeur avec un éditorial au titre lourd d’impuissante ironie : « Les agences de notation dépréciées ».
Son argumentation : comment ces agences de notation qui n’ont rien vu venir de la crise peuvent-elles présentement prétendre augurer du grand gadin général ?
Ben justement, mon général, peut-être parce que la Grande Crise leur a ouvert les yeux et que l’évidence calamiteuse de l’épilogue saute aujourd’hui tellement aux yeux, qu’elles seraient bien coupables de les refermer. Elles n’y ont pas trop de mal, remarquez, quand la richesse de tous nos pseudo opulents repose désormais exclusivement sur des dettes de plus en plus insolvables.
Des coups de semonce ravageurs
Pour l’heure, à l’exception de quelques infortunés PIIGS, les agences de notation n’ont pas encore osé mettre leurs menaces totalement à exécution, se contentant de coups de semonce sous forme de savoureuses « mises en perspective négative » et autres « alertes » lourdes de sens.
Mais le mal est fait, le ver est dans le fruit. À force de multiplication et de répétition, le doute s’insinue. Or, pour des marchés basés exclusivement sur la confiance, le doute est le mal fatal et absolu.
Nos vaillantes agences de notation, elles, font le boulot pour lequel elles sont mandatées, avec la légèreté pleine de finesse d’un sergent-chef emmenant son peloton au casse-pipe pour la cause.
Le problème avec les chiens de garde est que quand les choses s’enveniment, que la faim menace et que la peur les tenaillent, ils n’hésitent pas à se retourner contre leurs maîtres. Regardez ceux-ci danser…