« Grande mutation » : et si le problème, c’était leur démocratie ?

Elles sont terribles, ces périodes de crises exacerbées qui ébranlent nos certitudes, pulvérisent les cadres sécurisants que nous nous imposions jusqu’alors. Le doute nous assaille. Notre assurance vacille. Tenez, notre sacro-sainte démocratie, par exemple. Et si c’était elle, le problème à résoudre ?

Chaloupes ballotées par la tempête

La démocratie, nous dit-on, c’est le consensus majoritaire. Mais que vaut un consensus quand il est verrouillé de toute part par les médias, les puissances d’argent, par les délégations pyramidales paralysantes (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Commission européenne…), à l’occasion secondées par des escadrons de gendarmes mobiles ?

Qu’est-ce qu’un consensus quand il consiste à se choisir non plus un équipage correct et son capitaine, mais une chaloupe de sauvetage un peu moins pire (en apparence) que la précédente (la chaloupe « socialiste » est déjà en passe de couler à peine mise à l’eau) ?

La démocratie est une jolie goélette pour mer calme. Mais un rafiot calamiteux par gros temps. Le consensus démocratique est la proie des vagues et des vents mauvais, prêt à chavirer dans les pires excès. L’esprit critique qui est la condition sine qua non de l’expression démocratique cède à la panique et au désarroi.

Aujourd’hui, la démocratie, celle qu’ils nomment ainsi, n’est plus que l’ultime paravent de bienséance utilisé par des puissants décatis pour conserver coûte que coûte leur pouvoir. Vous verrez qu’avec 70% d’abstention et 27% de suffrages exprimés (eh non, ils ne comptent toujours pas les votes blancs), ceux-là parleront encore de « démocratie représentative ».

Majorité des rues contre majorité des urnes

La « Grande mutation » en cours ne se fera pas sous les auspices des isoloirs. Pour deux raisons :

  • La première, que nous avons déjà vu dans un précédent épisode, vient de ce que les vieilles élites aux manettes ne le permettront pas. Trop d’intérêts privés à défendre. Trop de positions à conserver.

  • La seconde tient à ce que l’état de panique et les réflexes régressifs des majorités en désarroi ne s’apaisent en rien, bien au contraire, dans le secret des isoloirs. Faut-il rappeler l’exemple des révolutions arabes où les peuples tunisien, égyptien, majoritaires dans les rues et sur les places, ne le furent évidemment plus dans les urnes.

La « Grande mutation » se jouera probablement dans les rues, sous l’impulsion de minorités agissantes excédées. Le plus épineux sera pour elles de mettre hors d’état de nuire les vieilles élites. Tel président descendu de son trône élyséen. Tel présentateur vedette débarqué de son plateau télé.

Sous la pression des évènements, avec un peu de chance, vous verrez que les foules en colère finiront par admettre l’idée qu’il est vital de couper radicalement les ponts avec leurs oppresseurs. Allez, au point où on en est, osons dès à présent la comparaison : comme en 1789.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.