Édito présidentielle : échapper au désastre collectif

Je me suis trompé. Je pensais que la démocratie était malade. L’abus de sondages, l’esprit de clan du microcosme, la connivence médiatique, la mainmise de l’argent… Mais non, la démocratie est bien le bilan clinique fidèle de l’état moral d’une société. Le diagnostic est implacable : ce n’est pas la démocratie qui est malade, mais nous. À en crever.

Une situation tragique

Le verdict de ce premier tour de la présidentielle est cruel. Non, il n’y a pas eu de réaction immunostimulante significative contre la crise de la « Grande perdition » via le Front de gauche. Au contraire, la dégringolade vers une régression lepéniste morbide s’est poursuivie, impitoyable.

Aujourd’hui, la France politique se trouve devant un désolant cul-de-sac qu’elle s’est elle-même créé :

  • un détestable président sortant en charpie, mais respirant toujours ;
  • un candidat socialiste insignifiant, totalement inféodé à un système pervers en train de ravager le monde ;
  • et ces métastases lepénistes qui continuent de ronger une majorité grandissante de la population.

La raison n’a plus prise sur la marche de nos affaires, ballottées au gré de nos pulsions mauvaises, du repli sur soi, de l’exclusion des autres, de la soumission aux diktats de la mafia financière, de la peur. Et non, comme jamais dans l’histoire, ce ne sont pas les urnes qui enraieront cette descente aux enfers.

L’unique lueur

Pourtant, cette fois-ci, une première depuis vingt-cinq ans, je suis allé voter serein. En faveur d’idées qui me sont chères. Et non contre je ne sais trop qui ou quoi. Je ne regrette pas mon engagement au côté de Jean-Luc Mélenchon et de son programme. Je prends date.

Mais je sais que jamais ces crises aigües n’ont été réglées par les majorités de quelque corps électoral que ce soit. Le fait majoritaire est un pis-aller qui doit, en cas de manifeste dérive, céder le pas à la conscience individuelle et à la défense de nos grands principes : liberté, égalité, fraternité. Je me refuse absolument à déroger à ces derniers comme m’y invite une frange grandissante de mes compatriotes.

La voie majoritaire que prend mon peuple n’est pas la mienne. Celui-ci court au désastre et à la honte, ne s’offrant au final que deux tristes spécimens pour le représenter. Comme toujours dans l’histoire, la solution ne viendra que des minorités agissantes. Et dans la rue.

Non à la citoyenneté du dégoût

Avez-vous remarqué qui déplaçait les foules pendant cette campagne ? Non, pas les représentants de ces majorités silencieuses terrifiées qui se terrent dans les isoloirs.

Lors des prochaines législatives, j’irai marquer mon territoire avec les miens. Question de principe. Mais je ne cèderai plus à la citoyenneté du dégoût, celle qui pousse à choisir par défaut quelqu’un qu’on trouve à peine moins lamentable que l’autre. Les deux menant inéluctablement à la même catastrophe.

Ceux qui se sont agrippés au bastingage du Titanic ont été emportés corps et biens par le fond. Seuls ceux  qui ont compris qu’il leur fallait rejoindre au plus vite d’autres rivages ont fait partie des rescapés.

Le 6 mai 2012, en toute conscience de mon acte et des responsabilités que celui-ci entraîne, je n’irai pas voter au second tour de cette navrante élection présidentielle.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.