Présidentielle 2012 : le moment et les raisons d’un choix

Au premier tour de la prochaine présidentielle, je voterai pour le candidat du Front de gauche. Tout bonnement parce qu’il est le seul à proposer un programme de rupture suffisamment convaincant avec un système défait.

Parce qu’il présente aussi de nombreux points communs avec mon propre petit programme. Parce qu’il répond au plus près des cinq conditions que je m’étais fixées pour me rendre dans l’isoloir.

Un seul autre parti présente un programme de rupture : le Front national. Mais celui-là, derrière deux/trois points alléchants (la rupture avec l’UE) cache des intentions nauséeuses et régressives (la « préférence nationale », les diatribes anti-étrangers…)

Les autres ? Tous pareils ! Trop préoccupés à essayer de sauver un système condamné. Contraints d’essayer de se distinguer par des promesses qui ne mangent pas de pain et surtout ne font pas une politique (ah, le quotient familial !), conduisant pour finir au même désastre.

Quant à Eva Joly, un instant également pressentie, elle s’est par trop laissé engluer dans la duflotisation carriériste de ses équipiers.

Chacun a loisir de découvrir le programme du Front de gauche pour deux euros dans toutes les bonnes librairies (« L’humain d’abord », éditions Librio).

Maintenant choisir un candidat et un programme n’est pas s’y abandonner béatement. Je me permettrai quatre remarques sur ce programme, non par esprit critique, ni pour conditionner un soutien désormais acquis, mais dans un souci constructif.

Quatre remarques à visée constructive

1. S’il fixe un revenu maximum dans l’échelle des revenus, le programme du FG ne me paraît pas insister suffisamment sur le principe d’un revenu minimum vital décent garanti pour tous (un seul petit paragraphe évoquant un minimum de 800 euros).

Ce revenu minimum vital décent relève de l’article 25 des droits de l’homme et du citoyen (éd. 1948) qui garantit à chacun de quoi se loger, se nourrir, se vêtir, s’éduquer, se soigner. Le volume de richesses aujourd’hui produites dans le monde et dans notre pays rend une telle mesure parfaitement applicable.

2. Le projet du FG se fonde beaucoup trop sur l’hypothèse d’un retour au plein-emploi. L’emploi n’a jamais été la raison d’être de l’activité économique, mais un simple moyen de production. Grâce aux progrès de la productivité, le plein-emploi devient un mythe.

Nous entrons dans une ère nouvelle, Non pas celle de la décroissance, mais celle de l’harmonisation écologique dans la production et la distribution des richesses. La réduction du temps de travail, donc du travail lui-même, entre dans le cadre de cette harmonisation. Ce n’est pas une tare, mais un progrès.

3. C’est un tort de penser qu’on pourra un jour rembourser la dette, qu’on pourra récupérer et redistribuer par la fiscalité les sommes envolées. Sorties de l’économie réelle, multipliées jusqu’à l’obscénité par la spéculation, ces sommes, ces actifs pourris sont en train de s’autodétruire, n’existent plus.

On ne coupera pas à la création d’un nouvel ordre monétaire. Et celui-ci tient d’abord à l’annulation immédiate d’une dette qui n’a plus aucun sens. Et qui n’est plus un dû, mais un boulet inacceptable aux chevilles des populations.

4. Le dernier point faible du programme présenté par le Front de gauche tient à ce qu’il est encore trop adossé à une Union européenne chimérique. L’UE n’existe plus en tant qu’union, n’est plus qu’un conglomérat hétéroclite, déséquilibré, voué à tous les lobbies malfaisants, en train d’imploser.

Dans une récente conférence, Frédéric Lordon avouait sa << préférence pour des ensembles les plus vastes possibles >>. Mais se faisait une raison de revenir à une configuration nationale « dont on sait avec certitude qu’elle satisfait pleinement le principe de la souveraineté populaire. »

Une petite pierre pour l’avenir

Les irrépressibles « réalistes », les irréductibles tenants du calamiteux « vote utile » ne manqueront pas de gloser sur les faibles chances qu’a mon candidat d’être élu. Ils ont peut-être raison. La « Grande perdition » ne touche pas que les milieux financiers et politiques. Elles frappent aussi le raisonnement de populations en plein désarroi.

Ce n’est pas en fantasmant sur un succès que je voterai pour le programme soutenu par Jean-Luc Mélenchon. Mais pour prendre date, ajouter ma petite pierre à un édifice et à un programme qui me paraissent vitaux dans un avenir de plus en plus incontournable.

Mais bon, foin du sérieux et du trop cérémonieux, il n’y a pas que les petites pierres dans la vie, il y a aussi les petits verres d’amitié. On partage ?

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.