Perquisitions Mélenchon France insoumise : un avis juridique

Reçu d’un certain Gelmad un avis juridique qui m’a semblé plutôt éclairé et pertinent sur l’affaire des perquisitions menées dans les locaux privés et publics de la France insoumise.


Ce qui est surprenant dans cette affaire, sans rentrer dans le fond que je ne connais pas, est la procédure qui a été employée. Il s’agit de l’enquête préliminaire ? Pourquoi a-t-on utilisé cette méthode et non l’ouverture d’une information judiciaire qui à mon avis aurait été moins contestable ?

La Procureure générale de la Cour d’appel de Paris, le 20 Octobre a justifié le choix procédural de l’enquête préliminaire par le caractère disproportionné de l’ouverture d’une information judiciaire en l’absence dans cette affaire d’indices graves et concordants dans une prise de parole devant les médias, ce qui est inhabituel de la part d’un tel magistrat.

À ma connaissance, c’est la première fois qu’un grand nombre de perquisitions simultanées sont conduites (pratiques plutôt réservées aux enquêtes liées au terrorisme ou à la grande criminalité dans le cadre du flagrant délit ou de l’information judiciaire et non de l’enquête préliminaire), sous cette procédure, article 76 du Code de procédure pénale [CPP, ndlr], sans le consentement exprès et écrit des responsables ou propriétaires des lieux.

Pourquoi avoir excipé [alléguer une exception en justice] des nécessités de l’enquête – et quelles sont-elles ? – auprès du juge des Libertés pour se passer de ces consentements ? A-t-on seulement sollicités ces consentements ?

Il semblerait que les deux enquêtes préliminaires aient démarré il y a environ un an pour l’une et plusieurs mois pour l’autre. Les « nécessités de l’enquête » n’étaient donc pas l’urgence !

On nous avance que d’autres personnalités ou partis politiques ont eu à subir des actes de procédures similaires. Soit. Mais était-ce dans le cadre d’une enquête préliminaire avec un tel déploiement,  ou bien d’une information judiciaire ?

La philosophie générale d’une « enquête préliminaire » est l’absence de coercition

Il s’agit certes de questions techniques, mais qui laissent place à toutes sortes de doutes ou d’arrières-pensées que peut-être  la Cour de cassation, une QPC [Question prioritaire de constitutionnalité] voire la CEDH [Cour européenne des Droits de l’homme] devront un jour trancher ?

En effet la philosophie générale de l’enquête préliminaire est l’absence de coercition ainsi que la participation consentante des parties.

Dans cet article 76 du CPP, cette possibilité offerte au procureur de la République de Paris vient après le bloc qui précise qu’il convient d’obtenir, préalablement, l’assentiment exprès et écrit du propriétaire ou de l’occupant des lieux et que par conséquent, selon mon analyse, elle lui est subordonnée.

Ma lecture de l’article 76 du CPP est qu’étant donnée cette philosophie, le procureur de la République de Paris aurait du demander cette autorisation aux « mis en cause » avant de solliciter le juge des Libertés.  Et non pas agir, comme il l’a fait, sans demander préalablement cette autorisation et après en avoir constaté le refus du ou des mis en cause.

Je pense que si le législateur l’avait souhaité il aurait très bien pu soit inverser les 2 alinéas de l’article 76, soit écrire explicitement que l’on pouvait se passer de quelque demande que ce soit auprès des mis en cause.

J’ajoute que les personnes chez lesquelles ont été effectuées ces perquisitions auraient très bien pu, en toute légalité, ne pas déférer aux convocations de la Police puisque nous étions en enquête préliminaire et qu’ils n’y étaient pas obligés.

Imaginez un instant que ces personnes refusent, toutes, de déférer à ces convocations post perquisition et aillent s’en expliquer dans les médias en arguant qu’ils se présenteraient spontanément à la Police dès l’ouverture d’une information judiciaire ?

À ce stade de la procédure, je ne pense pas qu’il soit possible d’attaquer la décision procédurale du procureur de Paris. Il faudrait attendre qu’une information judiciaire soit ouverte et ester [soutenir une action en justice] devant la Chambre d’accusation de l’instruction pour faire annuler cette ou ces perquisitions. Avec possibilité d’aller jusqu’en cassation. Voire QPC ou CEDH.

Il est bien évident que si tel était le cas et que cette décision soit annulée, cela ferait tomber, de facto, la validité des ces perquisitions.

Gelmad (intertitre : Pierrick Tillet)

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