Le pauvre « devrait être considéré comme un criminel »

L’auteur, Yves Dumpas, nous conte son voyage horrifiant chez les jeunes barbares d’une école de commerce de la « Grande Libéralie ».


Effondré ! Écœuré ! Malaise, angoisse, envie de vomir…

Je n’ai pas d’autre mot pour décrire les sentiments qui m’oppressent à l’issue du débat que je viens d’organiser sur le thème des inégalités, de la pauvreté et de la misère dans une école supérieure de commerce bruxelloise dont je tairai le nom par respect pour ceux qui croient encore aux vertus de l’éducation…

Près de trois heures à entendre une grosse centaine de futurs cadres commerciaux (18 à 25 ans) proférer des horreurs à propos des pauvres et de la pauvreté. Assistés, fainéants, bons à rien, boulets, parasites, profiteurs, fraudeurs… Tout le vocabulaire du mépris et de la haine y est passé !

Ils n’ont aucun doute. Le pauvre est le seul responsable de sa pauvreté… La société n’a ni le devoir ni les moyens de prendre en charge les plus faibles. Marche ou crève ! Du travail, il y en a assez pour tout le monde parce que des « entrepreneurs de génie » (Uber, Deliveroo… eh oui !) créent chaque jour « des centaines de milliers d’emplois » (si, si, elle a bien dit des centaines de milliers…)

Une jeune femme qui se destine à une carrière dans la communication est convaincue que la pauvreté devrait constituer un délit. Sans rire ! J’étais tellement incrédule que je lui ai demandé si elle plaisantait. Eh bien non, elle était sérieuse… Selon elle, il existe tellement d’aides, tellement de (belles) opportunités, tellement de possibilités de s’en sortir que « celui qui ne s’en sort pas devrait être considéré comme un criminel qui met des bâtons dans les roues de ceux qui veulent produire de la richesse et construire un monde meilleur ». Je lui ai demandé si je pouvais noter ses paroles, en espérant qu’elle sentirait le sarcasme, mais la fierté qu’elle n’a pas dissimulée a déçu mon espoir.

Trois heures. Pendant trois heures, après une introduction de dix minutes, je les ai laissé débattre librement entre eux. Miracle de la parole libérée, pendant trois heures, j’ai dû endurer des propos que je ne parviens toujours pas à qualifier.

C’est ça, la « belle jeunesse » rayonnante, studieuse, volontaire, généreuse, créative, prometteuse ?

Deux professeurs ont cru devoir venir les excuser après le débat :

— Il faut leur pardonner. Ces jeunes gens n’ont encore aucune expérience de la vie active, la plupart des réalités leur échappe encore…

Quoi ? À 20 ans, on a le droit d’être crétin ? À 20 ans, on est incapable de poser sur le monde un regard intelligent et empathique ? À 20 ans, on possède un droit absolu à l’égoïsme ?

=> Source : Yves Dumpas. 


On souhaite à nos jeunes salopards [Larousse : « Salopard. Péjoratif. Individu sans scrupule qui agit envers autrui d’une façon ignoble. »] on souhaite à nos jeunes salopards de subir chômage, précarité, mépris et harcèlement. En cette saison de @Balancetonporc, on souhaite fraternellement à la donzelle qui voit un criminel dans « celui qui ne s’en sort pas » d’avoir à subir de nombreux outrages. Elle fermera sa gueule devant chaque « producteur de richesse » qui lui pétrira les seins. Tant de « belles opportunités » qu’elle ne saurait refuser…

Photo : Une jeune vaillante de l’espèce des winners [gagnants] profite d’une opportunité pour faire sa place au soleil.

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Un citoyen ordinaire à la rencontre des personnes cabossées par la vie.