Présidentielle 2012 : pas de reconstruction possible sans rupture

Tandis que le couple Merkel-Sarkozy égrenait dans le vide ses pieuses déclarations d’intention, qu’Obama promettait à qui voulait encore l’entendre un énième plan de relance sur fond de récession, Howard Schultz, directeur général de l’entreprise Starbucks appelait, lui, avec succès, ses collègues à cesser de financer toutes campagnes politiques si les partis politiques en lice ne s’entendaient pas pour régler une bonne fois pour toutes ce fichu problème de dette.

Des dirigeants dirigés, la démocratie privatisée

C’est peu dire combien les politiques institutionnels sont pieds et mains liés aux cordons de la bourse de leurs financiers. Et qu’il ne faut guère attendre d’audace dans la reconstruction de la part de dirigeants aussi… dirigés ! Ni d’une démocratie privatisée, filtrée par le bon vouloir des pourvoyeurs de fond, avant d’être livrée aux électeurs.

Cette intrusion des milieux financiers et économiques dans les rouages politiques explique la paralysie des politiques devant la débâcle systémique depuis bientôt quatre ans. Intrusion à tous les niveaux. Il suffit de lire le traité européen de Lisbonne avec la pertinence goguenarde d’un Olivier Berruyer pour s’en convaincre.

Ou constater l’impuissance d’une Martine Aubry, réduite à implorer « l’esprit de responsabilité de la Banque centrale européenne », à l’écart de tout contrôle citoyen, pour comprendre que la politique du Parti socialiste conduirait à la même impasse désastreuse que celle de l’UMP.

La rupture comme inévitable point de départ

Voilà pourquoi cette reconstruction, à laquelle de toute façon nous serons contraints, ne peut passer que par une rupture résolue avec le système moribond et ses affidés. Que nous le voulions ou non, il va nous falloir trancher dans le vif. En commençant par remettre en cause les principes mêmes qui régissaient nos existences dans le monde d’avant :

  • pas la peine d’invoquer un retour de la croissance (de quoi, pour quoi et pour qui ? ) quand le but est désormais d’harmoniser la production économique en fonction des réels besoins des populations et en respect de leur environnement de vie ;

  • pas la peine de réclamer un retour du plein-emploi, quand le progrès technique rend celui-ci heureusement obsolète ;

  • pas la peine de nous seriner avec cette histoire d’endettement quand celle-ci n’était qu’une façon de tenir les populations à merci d’un clan de privilégiés.

Appeler les choses par leur nom

Le problème que nous rencontrons aujourd’hui est de ne pas oser appeler par son nom cette rupture que nous pressentons de plus en plus comme incontournable.

Quand un Paul Jorion parle d’interdire les paris spéculatifs sur les variations de prix, c’est à la disparition du système financier privé mondialisé qu’il appelle, vu que 80% de l’activité de ce dernier réside précisément dans de telles spéculations.

Quand un Jean-Luc Mélenchon parle de réduire l’échelle des revenus et de virer les riches qui ne sont pas contents, c’est une bonne partie du staff PS qu’il dégomme (n’est-ce pas, DSK ? ).

Quand un François Hollande parle de la dette comme « ennemie de la gauche et de la France », c’est à une politique d’austérité intolérable à la Papandréou qu’il nous prépare.

L’enjeu de la présidentielle 2012

Puisque, on l’a vu, la solution ne viendra pas du « tout » (ces déplorables sommets officiels), elle ne peut venir que du « un » (à l’islandaise), c’est-à-dire de réponses individuelles, encore en marge, mais résolues, qui naîtront aux quatre coins de la planète, et qui avec un peu de chance, finiront par former un nouveau « tout » à peu près acceptable.

Tel est l’enjeu, pour notre coin à nous, de la prochaine présidentielle 2012. Ou bien les forces non compromises dans la débâcle systémique s’allient et prennent le taureau par les cornes. Ou le mieux pour l’électeur sera de rester chez lui. Au premier comme au second tour. Car le but de cette élection n’est pas de se débarrasser d’un matamore pathétique, mais de reconstruire un univers de vie avec des gens en mesure et en volonté d’y parvenir.

Parce que, de deux choses l’une : ou bien nous précipitons la fin du système en profitant de son extrême fragilité actuelle, ou bien il s’écroulera tout seul. Sauf que dans le premier cas, nous avons une petite chance de maîtriser notre destin, alors que dans la seconde éventualité nous le subirons avec toutes ses tragiques conséquences.

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