Otages : défaites occidentales, victoires « barbares »

Donc, résumons : deux Français sont enlevés dans un restaurant de Niamey le vendredi 7 janvier 2011 au soir. Le samedi, les kidnappeurs sont repérés à la frontière du Mali et attaqués par la garde nationale nigérienne, épaulée par des militaires français. Les otages sont définitivement « libérés » : ils sont morts.

Que les proches des deux victimes (l’un allait se marier avec une Nigérienne, l’autre était un ami invité à la cérémonie) me pardonnent ce ton à l’ironie glaçante. Mais le terme caustique de « libération » n’est pas de moi.

« Les autorités françaises remercient les autorités nigériennes pour leur détermination à lutter contre le terrorisme et saluent leur courage pour libérer nos deux compatriotes » (Alain Juppé, ministre français de la défense, sitôt après l’opération).

Une multiplication inquiétante des fiascos

Cela tourne à la sale manie répétitive, ces expéditions précipitées et meurtrières, vous ne trouvez pas ? Rappelez-vous :

  • affaire Florent Lemaçon : le jeune propriétaire du voilier Tanit, otage de pirates somaliens, tombe sous les balles d’un commando français lors d’une même intervention de « libération » ;
  • affaire Michel Germaneau : cet ingénieur à la retraite de 78 ans exécuté par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) juste après le fiasco d’une opération antiterroriste franco-mauritanienne.

Aussitôt, pluie convenue des lénifiantes réactions officielles :

  • « Un acte odieux, barbare et lâche » (Nicolas Sarkozy, président de la république française).
  • « Nous ne devons pas faire des concessions trop larges aux terroristes » (Jean-Christophe Rufin, ex-ambassadeur de France au Sénégal).
  • « À ce stade et sous réserve des conclusions d’une enquête, tout semble indiquer que les deux otages français ont été exécutés » (colonel Thierry Burckhard, porte-parole du ministère de la Défense).

Impuissance de l’Empire devant les « barbares »

D’abord, remarquons que ces histoires d’otages ne se terminent pas toutes de cette sanglante manière. D’autres ne se terminent tout bonnement pas, faute à l’impuissance de nos infortunés négociateurs :

  • affaire Denis Allex, pseudonyme d’un agent des services du renseignement français, retenu en Somalie depuis le 14 juillet 2009 ;
  • affaire des deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, otages des talibans en Afghanistan depuis le 30 septembre 2009 ;
  • affaire des cinq employés français d’Areva et Satom, enlevés au Niger depuis le 16 septembre 2010, toujours aux mains de l’AQMI.

Les quelques rares libérations obtenus d’otages en vie l’ont toujours été après satisfaction des revendications des kidnappeurs (rançons, libérations de prisonniers politiques…). Et sans que ceux-ci soient réellement inquiétés, ni même mis en difficultés quoiqu’en claironnent les spécialistes parentés.

Recherche « civilisation » désespérément

En clair, c’est bien à une défaite consacrée des pays de l’Otan (la France est loin d’être le seul pays concerné) à laquelle nous assistons. Ceux-là n’ont d’autres choix que se plier aux conditions des « barbares ». Ou sacrifier leurs propres ressortissants.

Derrière toutes les forfanteries médiatiques et diplomatiques des forces du Bien déconfites, on notera aussi que ces enlèvements ont toujours lieu là où celles-ci assurent une très intéressée présence économique et militaire que d’autres, « barbares » ou non, leur contestent vigoureusement (Afghanistan, Irak, Sahel…).

La grande guerre pour la civilisation (du titre d’un ouvrage indispensable du journaliste anglais Robert Fisk) bat son plein. Pas sûr que la « civilisation » en sorte gagnante. Ni que la « barbarie » se trouve dans un seul des camps.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.