((/public/NoRain.jpg|NoRain.jpg|L)) Le matin, je vais balader les chiennes sur la jetée. En été, les touristes en font un lieu de prédilection. Mais à l’arrivée de l’hiver, c’est souvent un désert battu par le vent et la pluie. Depuis plusieurs jours, un vilain crachin noie interminablement le paysage. C’est à peine si là-bas, sur l’autre rive du fleuve, on aperçoit les ombres des complexes pétrochimiques et les fumées menaçantes de leurs hautes cheminées. De ce côté-ci, seules quelques rares silhouettes liquéfiées de passants obstinés s’accrochent au gras du bitume. Elles filent comme ombres pourchassées, imperméables au salut. Pourquoi faut-il qu’à cet instant me reviennent en mémoire les images d’un autre vieux souvenir ruisselant…
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/// À l’autre bout du monde, de Hanoï où elle vit, ma lumineuse amie Jardin raconte (sur [son blog|http://cultivetonjardin.eu.org/post/2008/11/03/Hanoi-ville-deaux]) les terribles pluies diluviennes qui ont noyé la capitale vietnamienne et la région ces derniers temps. Et comment les habitants essaient de continuer à vivre »<< par tous les moyens possibles >> », sans que rien ne les arrête. Le mauvais temps est une invention des humains. Il n’y a pas de « beau » temps ou de « mauvais » temps. Juste le temps qu’il fait, c’est tout. Agréable ou désagréable, ce n’est pas le sujet. Il faut faire avec. — Bonjour, Madame. Qu’il fasse « beau » ou « mauvais », je mets un point d’honneur à saluer tous ceux que je croise sur la jetée. Sur le coup, la dame, petite, âge certain, un peu boulote, engoncée dans une énorme doudoune surdimensionnée, est un peu interloquée. Puis elle se reprend, les joues enflammées par la bourrasque. — Bonj… Mais déjà le vent l’a emportée. Le temps qu’il fait est une question d’état d’esprit et d’adaptation. Dans le tumulte qui aujourd’hui nous affole, dans cet effondrement de notre confort « inaliénable », jamais la nécessité de s’emparer de son temps ne fut plus d’actualité. »NO RAIN ! » … ///html
/// — Oh papa, le pot que tu as eu de vivre à cette époque ! Woodstock… Y a-t-il une époque pour ce genre de choses ? La pluie continue de ravager le quai. Les chiennes ressemblent à des serpillères mais continuent de musarder, indifférentes. Les mouettes remontent au vent en zigzaguant sous l’effort. Les rares passants ont disparus. En face, au-delà des complexes pétrochimiques, je sais que s’étendent les usines Renault sinistrées de Sandouville. — Ça dépend de vous. Rien que de vous. C’est à vous de jouer maintenant. Vous n’avez plus le choix. — Mais papa, Woodstock, c’était il y a quarante ans ! Les choses, les mentalités… — Arrêtons les atermoiements, s’il vous plaît ! Jusqu’à ces derniers mois, vous aviez peut-être encore la pauvre excuse de vous accrocher à l’espoir d’un avenir sans doute pas reluisant, mais assez confortable. Aujourd’hui, c’est terminé. Il n’y a plus rien. Vous êtes au pied du mur. Le monde qu’on vous faisait miroiter n’est plus qu’un vaste marigot d’où vous allez devoir surnager ou disparaître. — Ça te fait rire ??? — Pas rire, mais pas pleurer non plus ! Jamais vous n’avez eu une époque aussi favorable pour vous faire entendre, JAMAIS ! Pas même il y a quarante ans, à l’époque de Woodstock. Vous disposez de moyens de contact entre vous comme jamais il n’en exista : Internet, le téléphone portable, MSN… Jamais le monde ne dégorgea autant de richesses. Jusqu’à l’écœurement. Que vous vous les soyez fait piquer par les fumiers est votre problème. Que la plupart de ces richesses ne soient que des attrape-couillons inutiles est votre problème. Ou vous restez à baver sur les richesses envolées, où vous venez faire votre Woodstock à vous. Avec nous, si on ne vous dérange pas. Mais foin des jérémiades, SVP ! Les fumiers, justement, sont incapables de contrôler vos nouveaux moyens de communication. En plus, ils sont en pleine Bérésina, et ce n’est pas fini , Qu’est-ce que vous attendez pour en profiter ? Qu’est-ce que vous attendez pour aller leur foutre sur la gueule ? Que vous soyez étudiants, rmistes, ouvriers en carafe des usines Renault d’en face, cadres humiliés, humiliés des ghettos de banlieues… vous n’avez aucune excuse, ni aucune raison de rester comme ça, transis et figés, à attendre d’être engloutis ! »Fuck » le « mauvais » temps ! »Fuck » les tornades et les sordides naufrageurs ! »Fuck » les couchés, les assis larmoyants, les noyés consentants par omission des marécages humains ! Quand est-ce que vous vous levez ? Vous attendez que la vague de boue vous emporte ? HOOOOOOOOOO HOHOHO-HO ! HOOOOOOOOOO HOHOHO-HO ! — Putain, papa, qu’est-ce tu fous à patauger comme un malade dans cette flaque d’eau ?! ///html
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