Monétiser l’économie réelle, pas les créanciers

Il n’ont plus que ce mot à la bouche ! « Monétiser » ! Mario Draghi, président de la BCE veut monétiser << sans limites >> la dette des pays membres de l’UE. Son confrère de la Fed, Ben Bernanke, est pressé de monétiser son royaume déchu avec un troisième « quantitive easing ». Comme si les deux premiers avaient servi à quelque chose !

La monétisation n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais il y a deux façons de monétiser : la mauvaise et la bonne.

Les créanciers ne peuvent pas gagner à tous les coups

La mauvaise, c’est celle des Draghi et des Bernanke. Ceux-là ne monétisent que les créanciers. À défaut, vu l’ampleur du fossé à combler, de pouvoir y parvenir intégralement en rinçant les populations.

Remarquez, ce n’est pas faute d’essayer :

  • voir les politiques d’austérité prenant pour cibles prioritaires les dépenses d’éducation, de santé et les prestations sociales ;
  • voir le TSCG destiné à austériser les budgets publics ;
  • voir les conditions posées par Mario Draghi pour le rachat illimité de dettes pourries par la BCE.

Mais voilà, trop tard, les voici donc prêts à monétiser des créanciers qui ont déjà souvent récupérer leurs mises initiales au décuple. Et qui, c’est le jeu, ne peuvent pas gagner à tous les coups. Mais que voulez-vous, rembourser ses dettes est un devoir imprescriptible, qu’ils disent !

Tiens, c’est drôle, rien sur le remboursement des dettes dans la déclaration universelle des Droits de l’homme. Par contre, sur le droit au travail (article 23), au logement (article 25)… Croyez-vous que ça empêche les margoulins de licencier, d’expulser, au nom de l’effort commun de tous (moins les créanciers) face à la crise ?

Créer un nouvel ordre monétaire

Il y a une autre façon, la bonne, de monétiser : celle qui consiste à (ré)injecter les liquidités nécessaires au bon fonctionnement de l’économie réelle. D’une certaine façon cela revient à créer un nouvel ordre monétaire en marge de l’ordre officiel.

C’est à peu près ce que firent les Islandais et les Argentins après avoir renvoyé balader leurs créanciers. Et, miracle, cela ne se passa pas trop mal pour eux. Pour sortir de la mouise, l’Argentine substitua de fait les LECOP et le « crédito » à un peso trop maqué avec le roi-dollar. Et se ficha royalement des rodomontades du FMI.

Mais passe encore (même très mal) pour de petites entités comme l’Islande ou l’Argentine. Les créanciers ne l’entendent pas du tout de cette oreille pour un mastodonte comme l’UE. Voilà pourquoi c’est eux, les créanciers, qui détiennent et manipulent de fait comme ils l’entendent la monnaie unique. Voilà pourquoi ils tiennent tant à leur euro. 

La création d’un nouvel ordre monétaire ne peut donc passer que par une relocalisation des monnaies. Et une explosion de la zone euro. Un sacrilège pour les gardiens du temple européen. Un souffle d’air frais possible pour les populations.

Agir en marge des banksters

Aucune solution à la crise européenne actuelle, aucune, ne sera possible sans passer par cette étape. Qui implique de voir mis hors d’état de nuire ces véritables ennemis publics n° 1 que sont devenus les margoulins aux commandes, leurs complices politiques et leur système tentaculaire.

Car rien, absolument rien n’est à attendre des instances européennes en place. Ni des Merkel, des Monti, des Cameron ou des Hollande. Sinon une véritable désintégration sociale dont la Grèce ou l’Espagne offrent les tristes prémisses.

Ou nous y parviendrons par des réactions politiques ou sociales. Très délicat, même si l’on voit monter en puissance des mouvements comme le Syrisa grec d’Alexis Tsipras, le Parti socialiste radical néerlandais d’Emile Roemer et, un ton encore en dessous, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon.

Ou, beaucoup plus vraisemblable, par l’implosion finale du système et de ses tenanciers formés à l’école Goldman Sachs comme Draghi. Le système est entré en état de mort clinique depuis janvier 2008. Sa chute contraindra et forcera des solutions alternatives vitales pour une monétisation salutaire de l’économie réelle.

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