
Face à la multiplication des dates de manifestations sectorielles, des syndicalistes appellent au « Tous ensemble ! » unitaire. Pas forcément une bonne idée.
On ne sait si la rentrée sociale se révèlera aussi chaude-bouillante qu’annoncée, mais le moins que l’on puisse dire est qu’elle se montre déjà fort multiple ! Jugez-en :
- 12 septembre : grande manifestation à l’appel de la CGT contre la loi Travail ;
- 16 septembre : manif de policiers contre leurs conditions de travail ;
- 23 septembre : grande manifestation de la France insoumise contre le « coup d’État social » ;
- 25 septembre : début d’une série de grèves reconductibles par les fédérations de transport CGT et FO (mais les routiers de la CFTC et de la CFDT ont déjà devancés l’appel dès ce lundi 18 !) ;
- 26 septembre : protestations des fonctionnaires contre la suppression des emplois aidés le 26 septembre) ;
- 28 septembre : jour de colère des retraités contre la hausse de la CSG ;
- 10 octobre : retour des fonctionnaires, cette fois pour dénoncer dénoncer le gel de leur point d’indice ;
- 13 octobre : entrée en scène des ouvriers de la métallurgie…
Il est indispensable que toutes les revendications catégorielles puissent s’exprimer
Devant ce déferlement anarchique, deux personnalités du monde syndical, Mickaël Wamen (CGT Goodyear) et Mathias Dupuis (UL CGT Dieppe, lancent un appel à l’union. Objectif : renforcer la dynamique de la lutte contre la loi Travail 2 au lieu de l’éparpiller.
Pourtant, cet appel au rassemblement me paraît un brin prématuré et soulève plusieurs d’objections :
- La lutte contre la loi Travail 2 n’est plus la seule revendication des mouvements sociaux, loin s’en faut. Regrouper l’ensemble des revendications sociales sous une même bannière unitaire, c’est prendre le risque de diluer certaines revendications catégorielles qui ne trouveraient plus à s’exprimer. C’est aussi s’exposer à raviver inutilement les querelles d’influence entre centrales.
- Réduire le nombre de manifestations à une ou deux démonstrations d’ampleur nationale, c’est également limiter l’expression de la grogne sociale dans l’espace temps, mais aussi dans l’espace médiatique censé lui faire écho. On a pu mesurer maintes fois l’effet stérile de ces grands raouts confessionnels tenus rituellement entre Bastille et République, et ne débouchant que sur une vague et éphémère querelle de chiffres entre ceux fournis par les manifestants et ceux indiqués par la police. On a pu constater leur faible efficacité lorsqu’il s’est agi de sauver les retraites, ou de contrer la loi Travail 1, dite « El-Khomri ».
C’est pourquoi je trouve tout aussi opportun cette stratégie originale de guérilla et de harcèlement que représente l’étalement des manifestations au fil des jours et des semaines. Il me paraît indispensable que toutes ces revendications catégorielles puissent s’exprimer chacune à sa façon et même de son côté. Pour qu’il y ait coagulation de ces mouvements, comme le réclament Mickaël Wamen et Mathias Dupuis, il faut d’abord que ces mouvements existent.
Après, si la tension persiste et monte, si comme il est prévisible le gouvernement (qui n’a d’autre pouvoir que de répercuter servilement les instructions de Bruxelles et de Berlin) s’obstine à rester sourd, il sera d’autant plus facile et toujours temps de fédérer toutes ces colères.