Manifestation justice pour Adama : naïveté et guet-apens

C’est une manifestation qui avait tout pour être réussie. Peut-être pas les 150.000 personnes que les organisateurs annonçaient, mais bien plus que les 15.000 manifestants recensés par les autorités. Tout allait pour le meilleur des mondes protestataires jusqu’à ce que…

Photo by Thomas SAMSON / AFP

Ceux d’en bas eurent beau s’époumoner, le mal était fait par une poignée de contre-manifestants juchés sur le toit d’un immeuble – avec la complicité de qui ? Les locataires des appartements sous les toits eurent beau se ruer pour déchiqueter l’affront, on ne voyait plus soudain que cette immense et narquoise banderole – comment ces quelques irréductibles “identitaires” avaient-ils pu monter et déployer cet immense trophée sans être interceptés ?

Soudain la “manifestation réussie” se trouva réduite à cette banderole infamante affichée en une de tous les médias. Et les manifestants – trop facilement nassés par les forces de l’ordre – n’avaient que leurs yeux pour pleurer d’indignation.

Mais il y eut plus vicieux encore :

On a beau écouter et réécouter ce bobinot, on entend guère qu’une seule voix hurler l’ignoble slogan – comment cette voix fut-elle si distinctement enregistrée, captée et immédiatement publiée par le site de droite Valeurs actuelles, puis spontanément instrumentalisée par la préfecture du préfet Lallement ?

Naïveté : un lieu de manif trop facile à nasser, des revendications qui n’ont aucune chance d’être satisfaites par le pouvoir actuel

Le piège se refermait. La “manifestation réussie” tournait court, désossée par un guet-apens trop bien organisé pour ne pas avoir été prémédité. En cause : la naïveté des protestataires. Le choix du lieu d’abord, ces places de Paris (République, ce jour-là) si facilement “nassables” alors qu’il existe d’autres endroits difficilement accessibles et contrôlables pour des forces de l’ordre naturellement lourdingues : Montmartre, par exemple, avec son écheveau de petites rues en pente et ses escaliers.

Ensuite les revendications. À quoi sert-il de réclamer « justice pour Adama », à quoi sert-il d’organiser des journées de revendications pour l’amélioration des revenus de telle ou telle catégorie de personnel (le personnel soignant, 16 juin prochain), en sachant pertinemment que le pouvoir actuel ne les satisfera jamais ?

C’est une guerre qui se joue et une guerre ne se gagne qu’en désignant précisément l’ennemi, en se donnant les moyens de le déboulonner : les prédateurs au pouvoir, leurs « premier cercle de donateurs », les préfets Lallement et consorts… Les rouages de l’État sont aux mains d’une bande de gangsters. Tant qu’ils seront en place, rien ne sera possible. Le reste n’est que verbiage et enfantillage.

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