Que se passe-t-il au Mali ? Nul ne le sait vraiment. Les dépêches, laconiques, sont d’une pauvreté affligeante, fleurant bon la langue de bois des communiqués d’état-major et la propagande convenue obligeamment relayée par les journalistes “embedded”. Mais il y eut cette contre-attaque étonnante des rebelles sur Gao…
La « vraie guerre », selon le ministre de la Défense Le Drian, s’était surtout déroulée jusque-là sans combat. Les villes libérées semblaient avoir été désertées par leurs envahisseurs islamistes. Bref, le public avide de sensations s’ennuyait ferme et les médias retournaient à leurs préoccupations hexagonales.
Le ministre Le Drian se gardait pourtant bien de détailler le bilan. L’on devait se contenter d’un très vague « plusieurs centaines d’islamistes tués » sans qu’il y ait la moindre trace visuelle, ni le moindre témoin oculaire pour confirmer ces allégations.
« Comme une averse » sur Gao
Et puis ces deux attentats suicides à Gao, sans victimes déclarées autres que les deux kamikazes. Et puis cette contre-attaque fulgurante, « tombée comme une averse » au cœur de la ville, selon Jean-Philippe Rémy, envoyé spécial du Monde…
D’où et comment surgissaient-ils, ces combattants du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui ouvrirent le feu sur les policiers maliens à deux pas du marché local, « depuis des positions avantageuses, depuis des bâtiments plus élevés que la plupart des maisons » ?
Le premier réflexe des autorités sur place fut symptomatique : l’armée française commença par évacuer précipitamment une bonne cinquantaine de journalistes présents. Pour leur sécurité ? Pour les éloigner d’un désolant spectacle ? Cette évacuation témoignait en tout cas de la gravité de l’opération.
D’autres nouvelles transpiraient en surface. Des hélicoptères français bombardaient les rebelles réfugiés dans le commissariat central de Gao. Ah bon, le commissariat central ? Ils étaient donc parvenus jusque là ? Dans une ville officiellement débarrassée deux semaines plus tôt de ses tyrans ? Et qu’étaient devenus les policiers maliens de la place ?
« Une situation d’urgence imprévue »
Il y eut aussi cet inquiétant communiqué américain qui tomba comme un cheveu sur la soupe à un moment fort incongru. Le 11 février, le président Obama débloquait soudain une aide d’urgence de 50 millions de dollars pour la France au Mali.
« J’ai déterminé qu’il existait une situation d’urgence imprévue requérant une assistance militaire immédiate au Tchad et à la France dans leurs efforts en cours pour protéger le Mali des terroristes et des extrémistes violents. »
Que se passe-t-il d’urgent et d’imprévu à Gao et dans le reste du Mali ? Un article de David Lewis pour Reuters essaie de nous en apprendre un peu plus. Oui, il existe des risques de « sale guérilla ». Oui, « l’effronterie du raid rebelle » a pris l’état-major français par surprise.
Le ministre malien de la défense Yamoussa Camara affirme pour sa part que trois agresseurs islamistes ont été tués et onze d’entre eux arrêtés. Du côté des libérateurs, on ne déplore que « quelques soldats maliens blessés ». Le docteur Noulaye Djiteyi, de l’hôpital de Gao, a lui vu « trois civils morts et onze blessés » par des balles perdues.
Un étrange « accident de la circulation » à Kidal
L’attaque a eu lieu le dimanche 10 février. Que sont devenus les agresseurs islamistes réfugiés dans le commissariat central de Gao, bombardés par les hélicoptères Tigre de l’armée française ? Tués ? Blessés ? N’étaient-ils que quatorze ? 50 millions de dollars d’aide US pour quatorze agresseurs ?
David Lewis, le journaliste de Reuters, voit dans l’évènement la fragilité des bases arrières de la coalition franco-malienne. Mais le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius se fait lui rassurant, répétant que les groupes jihadistes « ont été frappés durement ».
Bon d’accord, circulons, y a rien à voir ! Mais à force de vouloir masquer à tout prix ce qu’il y a à voir, d’autres nouvelles remontent, à vérifier certes, et pas seulement en provenance de Gao. Ainsi, celle-ci survenue le 5 février et révélée le 9 par N’djamena-matin :
« Tchad – Mali : 24 soldats du contingent tchadien tués et 11 blessés dans une embuscade au nord de Kidal »
Alors, MM Le Drian et Fabius, vrai ou faux ? Et que pensez-vous de cet étrange « accident de la circulation » survenue le même jour que « l’embuscade” présumée au même endroit, et qui valut à onze blessés du contingent tchadien de recevoir la visite de leur Premier ministre, avec enveloppes à la clé ?
JT télévision tchadienne du 7 février (à partir de 3:10)