Lynchage : société régressive et police de la pensée

Tweet Fatiha Boudjahlat

Dans les périodes de régression politique, sociale et morale, les esprits se figent, le lynchage est la seule sanction admise par la police de la pensée.

La police de la pensée est binaire : ou c’est blanc (elle), ou c’est archi noir (toutes les autres). Elle est impitoyable : on n’y discute pas, on tranche dans le vif ; on n’y commet pas d’erreur amendable, mais des fautes définitivement impardonnables.

Notre époque n’est pas avare de ces excès tout juste dignes de sinistres commissaires politiques ou de tribunaux d’exception.

Il y eut le précédent « Je suis Charlie ». Ou vous étiez Charlie, ou vous étiez un islamo-gauchiste de la pire espèce. Des gamins furent poursuivis pour hérésie anti-Charlie et soupçon de faiblesse pour les « terroristes ». Dans la hiérarchie binaire étriquée de la police de la pensée régressive, on ne s’oppose plus, on trahit, on est un complice des forces du mal.

Trois cas de dérives récentes

Plusieurs cas récents sont venus alimenter le triste bilan des jugements lapidaires sans sommations.

Danièle Obono, députée FI, a eu le malheur de dire, à propos d’une affaire de  conducteurs de bus, qu' »un homme qui refuse de conduire après une femme peut être sexiste, pas forcément radicalisé ».  s’est attirée les foudres de la police de la pensée. Elle n’avait pas commis une simple erreur de terme, non, elle avait trahit la République et le féminisme, rien moins.

Et qu’importe si nombre de cas similaires d’imbécillités sexistes sont commis par des crétins n’ayant rien à voir avec l’islamisme radical, ni même avec une quelconque religion. Ce n’est plus l’infraction elle-même qui est condamnée, mais sa cause impérativement désignée.

Un second exemple des dérives de la police de la pensée a frappé un autre député FI, François Ruffin, pour n’avoir pas voulu endosser une cause (en l’occurrence un T-Shirt à l’effigie d’Adama Traoré) au prétexte qu’il préférait attendre les résultats de l’enquête pour se prononcer. Haro sur cette prudence de sioux pourtant bien naturelle (et que je partage).

Troisième et dernier cas d’espèce : la justice a fait valoir qu’un adulte ayant eu une relation sexuelle avec une jeune mineure de 11 ans serait poursuivi pour « simple abus sexuel » et non « viol », du fait que la jeune victime y aurait été consentante. C’en était trop pour la pensée binaire. La justice se retrouvait complice (pour le moins) d’un crime de pédophilie et c’était tout ! Une mineure ne saurait consentir à rien en matière sexuelle, ce qui est bien évidemment 1/ une aberration ; 2/ pas du tout une excuse pour le majeur coupable évidemment d’un « abus sexuel ». Régis de Castenau rappelle, au risque de se faire lyncher lui aussi, qu’un viol est strictement caractérisé par l’article 222-23 du code pénal :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »

Résister aux déferlantes de la police de la pensée

En période de régression politique, sociale et morale, la vague de la police de la pensée emporte hélas tout sur son passage. Rien ne saurait arrêter, encore moins raisonner le flot des propos outranciers et des condamnations sommaires.

Ne reste plus qu’à faire le dos rond en se consacrant à la seule réponse que puisse lui apporter un individu pas encore trop endommagé par cet ouragan de folie furieuse : ne pas céder soi-même à la déferlante.

C’est malheureusement ce qui est arrivé à Sonia Nour, assistante du maire de la Courneuve. Son rapprochement du double crime de Marseille avec les violences faites aux femmes est un brin douteux. Et l’emploi du terme de « martyr » pour désigner l’assassin des deux malheureuses cousines est proprement malvenu.

Soutenir instinctivement Sonia Nour, comme l’a fait Zoé Desbureaux, suppléante du député Ruffin, est également une grave erreur d’appréciation, dénoncée par le député de la Somme et Jean-Luc Mélenchon. Mais fallait-il pour autant lyncher Sonia Nour et la priver de son emploi ?

Résister aux déferlantes de la police de la pensée d’où qu’elles viennent, des propos irresponsables de Sonia Nour ou de ses juges expéditifs.

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