Les sondages biaisent-ils les élections ?

Note du Yéti : je collabore désormais au nouveau site de Frédéric Taddéi, Newsring. Là où Rue89, Mediapart traitent de l’actualité plutôt factuellle, Newsring l’envisage sous l’angle du débat thématique.
Complément judicieux qui me permet d’aborder mes sujets de prédilection sous un autre angle. Voici l’un d’entre eux consacré au rôle des sondages dans la démocratie et publié sous le titre : Sarkozy devant Hollande, Mélenchon à 13%.

Ah les sondages, que deviendrions-nous sans eux ! Pire, que penserions-nous sans eux ! Ou malgré eux. Prenons deux exemples tout chauds. Le premier fait la une des médias du microcosme, le second fait le buzz sur Internet :

Le premier, émanant de l’Ifop, fait passer Sarkozy devant Hollande[1]. Et toute la diasporama médiatique de frissonner et de s’enflammer. Oh la la, les courbes qui s’inversent ! Le grand tournant !  L’effet Villepinte ! Hollande dans les tulipes ! Patati-patata…

Mais aucune question sur la crédibilité d’un sondage effectué auprès de 1 638 personnes, « par questionnaire auto-administré en ligne et par téléphone », où les marges d’erreur sont supérieures à la différence qui sépare les deux concurrents de tête, où l’on se garde bien de donner les données brutes de l’enquête pour ne livrer que les données « corrigées » (comment et par qui ?), où la patronne de l’institut est en même temps celle du Medef…

Le second émanerait de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur, fusion de la DST et des RG). Celui-ci donnerait Mélenchon à 13% au premier tour. Son existence a été révélé sur Agoravox par un certain Rep459 qui affirme tenir l’information d’un ami fonctionnaire des RG.

Le lecteur averti émettra quelques doutes sur la réalité de ce sondage-mystère daté à la mi-février. Et il aura raison. Pourtant Rep459, par ailleurs partisan déclaré du Front de gauche, donne des éléments concrets et vérifiables : le sondage de la DCRI aurait été effectué sur un programme informatique appelé Salamandre, lié à un Office centrale de statistiques et de sondages (OCSS), et permettrait l’établissement de « notes d’opinion » transmises aux autorités politiques tous les quinze jours.

Ce qui interpelle, c’est qu’aucun journaliste ne se préoccupe d’obtenir des éclaircissements sur le sondage Ifop et ses conditions de réalisation, ni ne se soucie d’aller vérifier AU MOINS les éléments concrets fournis par Rep459 sur le sondage-mystère de la DCRI.

Car au final, il y a autant de raisons de douter de la validité du premier sondage que du second. On voit donc que le problème des sondages ne tient pas aux sondages eux-mêmes, mais à la crédulité orientée de ceux qui les reçoivent et les transmettent, parfois avec des intentions partisanes à peine dissimulées. Le sondage comme nuage de fumée sur des esprits critiques assoupis. Le contraire d’une conscience démocratique éveillée.

Notes :

[1] À l’heure où j’écrivais ces lignes, j’ignorais le résultat d’un sondage Sofres contredisant totalement celui de l’Ifop.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.