Les présomptions dérisoires de la religion du tout contrôle numérique

De tout temps, les sociétés humaines se sont dotées de religions pour masquer leurs impuissances, leurs limites et affirmer leur désir de domination et d’éternité. Après la religion catholique et son paradis éternel post-mortem, après la religion capitaliste où les humains – enfin quelques-uns ! – se substituèrent à Dieu comme créateurs et possesseurs de tout ce qui existait sur terre, après l’avènement du dieu finance avec ses bulles apostoliques, sa proclamation de la fin de l’Histoire et sa déconnexion de toutes réalités terrestres, voici venu le temps de la religion du tout contrôle numérique : Big Data.

De tout temps, les religions n’ont valu, je veux dire, n’ont tiré leur puissance que de l’exercice de la force et de la crédulité de leurs ouailles. Il y a différents types de croyants : ceux qui y croient vraiment, ceux qui affectent d’y croire et s’y adonnent par confort, intérêt ou conformisme, ceux qui ont juste peur du châtiment divin (la peur de l’enfer, la peur du chômage non rémunéré, la peur de l’amende à 135 euros…). Dans la religion du contrôle Big Data, prévaut la vieille peur resucée du Dieu qui voit tout, entend tout, sait tout et vous montre du doigt (ou vous inonde de publicités ciblées).

En réalité, ces religions ne sont que des fumisteries sorties de l’ego surdimensioné et un brin pathétique de leurs grands prêtres. Vous remarquerez que de tout temps et de toutes religions, les grands prêtres ont des gueules de déterrés, pas bandants pour un sou, ni moralement ni physiquement, qui ne s’imposent que par la force de leur position comme un vulgaire Darmanin, et qui deviennent même franchement ridicules quand la religion du moment arrive en fin d’éternité. Pour peu que vous soyez sain d’esprit et que vous voyez les Bill Gates, Zuckerberg, Pinault, Bolloré, Biden, Macron l’avorton immature ou Véran en missionnaire déjanté de la Santé publique – pourquoi pas Zemmour comme président de la République pendant qu’on n’y est ! – franchement, ceux-là vous donnent surtout envie de vous adonner direct au culte de la fuite éperdue.

Une religion du tout contrôle qui ne contrôle rien du tout

La vérité est qu’à part la docilité chronique et apeurée de la masse de ses sujets, la religion du tout contrôle numérique ne contrôle à peu près rien du tout. Pour contrôler il faut des contrôleurs et le bon vieux KGB en sait quelque chose qui, malgré les millions de fiches accumulées contre ses concitoyens, ne parvint pas à empêcher la chute du Dieu soviétique.

De l’autre côté du mur effondré, Big Brother n’a empêché ni l’effondrement des tours jumelles de Manhattan le 11 septembre 2001, ni le Bataclan du 13 novembre 2015. Les grands prêtres US n’ont mis la main sur Julian Assange qu’après avoir été ridiculisés par Wikileak et Edward Snowden court encore. Malgré les moyens démesurés et sophistiqués de son armée, le « peuple élu » se fait marginaliser au Moyen-Orient et vient d’être éjecté d’Afghanistan par une bande de talibans déguenillés issus de l’époque troglodytique des religions. C’est le diable Poutine qui règne en maître sur les prix de l’énergie. C’est l’impie Xi Jinping qui détient les clés de l’économie mondiale.

Il y a plusieurs sortes d’opposants aux religions du moment : les tenants des autres religions, les athées revendiqués jusqu’à l’extrémisme. Et puis il y a les rescapés, ceux qui ont réussi à faire un petit pas de côté pour se désintoxiquer de ces contes à dormir debout et échapper à l’agitation hystérique des chapelles humaines dérisoires.

Sur ce, je vous laisse. Je rejoins ma cale sur le golfe, avec ses oiseaux, ses poissons, ses bigorneaux, mes potes de la côte et leurs blagues à deux balles, la chair de poule délicieuse des baigneuses d’automne sortant de l’eau glacée… Toutes ces choses d’autant plus belles que vous les savez éphémères.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.