
Publié sur le site Strategic Culture Foundation, un article de Philip M. Giraldi, ancien officier de haut rang de la CIA, qui traduit l’isolement grandissant des États-Unis dans le monde.
Les États-Unis ont décidé de ne plus participer au Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies composé de 47 membres. La principale raison invoquée par l’ambassadeur des États-Unis, Nikki Haley, était que le conseil était trop injustement focalisé sur les critiques envers Israël. Les États-Unis avaient déjà quitté l’organisation culturelle de l’ONU en octobre dernier, après que cette dernière ait déclaré la ville d’Hébron en Cisjordanie comme site du patrimoine mondial palestinien, ce qu’Israël jugeait inacceptable. La raison numéro un citée alors par Haley pour justifier ce retrait était que l’organisation culturelle de l’ONU était elle aussi trop critique envers Israël.
Haley a également fait un certain nombre d’autres commentaires concernant les Nations Unies et Israël. Immédiatement après son entrée en fonction, elle se plaignit que « jamais l’échec de l’ONU n’avait été plus évident et scandaleux que dans son parti pris contre notre proche allié Israël » et promit que le « bashing anti Israël était terminé ». En février 2017, elle bloqua la nomination de l’ancien premier ministre palestinien Salam Fayyad à un poste diplomatique aux Nations Unies au motif qu’il était palestinien. Lors d’une audition au Congrès, elle fut interrogée sur sa décision : « Est-ce que pour l’administration [US], le soutien à Israël et la nomination d’une personne qualifiée de nationalité palestinienne à un poste de l’ONU sont incompatibles ? » Oui, répondit Haley, l’administration [US] « soutient Israël » en bloquant tous les Palestiniens.
Il y a clairement une certaine réticence de la part de l’administration Trump à soutenir les organismes multinationaux, ce qui est évident avec le rejet des accords sur le climat, le commerce et la non-prolifération. Un retrait complet des Nations Unies n’est pas impensable dans le climat actuel, bien que les Démocrates et certains Républicains modérés s’y opposent encore fermement. À mon avis, l’ONU est un bazar sans nom, mais il vaut mieux y être que non, car cela reste un forum où les nations qui ne peuvent pas se rencontrer autrement s’y retrouvent pour discuter de questions transnationales. Et il faut admettre que l’incapacité de l’ONU à fonctionner réellement est en grande partie due à des causes structurelles et bureaucratiques en raison du droit de veto accordé aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité, une fonction que Nikki Haley a utilisée à plusieurs reprises pour arrêter des résolutions qui paraissaient hostiles aux États-Unis ou à Israël.
Un signe de faiblesse plutôt que de force
En dehors de cela, le rappel constant par Haley de ses préoccupations pour Israël renforce l’idée qu’il y a quelque chose d’anormal dans la relation bilatérale « spéciale » de ce pays avec les États-Unis. Au Moyen-Orient en particulier, Israël semble être le moteur de la politique américaine, en particulier vis-à-vis de la Syrie, du Liban et de l’Iran. Israël est déterminé à maintenir le chaos politique en Syrie, de peur que son occupation du plateau du Golan ne soit menacée, et a prévenu d’une éventuelle action préventive au Liban pour punir le Hezbollah. Israël veut également que les États-Unis traitent de manière décisive le problème avec l’Iran. De l’avis général, ces objectifs se déroulent très bien puisque Washington menace régulièrement l’Iran et a promis la semaine dernière une action militaire si Damas cherchait à récupérer dans le sud-ouest de la Syrie des territoires encore détenus par des terroristes.
Il est difficile de discerner quelle peut être la stratégie conjointe des États-Unis et d’Israël vis-à-vis de l’ONU et d’autres organismes internationaux. Aucun de ces deux pays n’a reconnu l’autorité de la Cour pénale internationale à La Haye, de peur que ses propres hauts responsables ne soient arrêtés et jugés pour crimes de guerre. Certes, les deux pays sont protégés contre toute contestation sérieuse de l’ONU elle-même par le droit de veto américain au Conseil de sécurité, qui a seul le pouvoir d’imposer des sanctions ou des opérations de maintien de la paix.
Mais le retrait américain des commissions de l’ONU est, au contraire, un signe de faiblesse plutôt que de force. Si Washington était en effet confiant dans son propre leadership international, il serait heureux de pouvoir siéger dans ces différents groupes pour agir sur les opinions de pays avec lesquels il entretient des relations politiquement neutres ou antagonistes. Le fait qu’il choisisse de s’en retirer suggère qu’il est admis que ce que Washington vend ne sert à rien. L’isolement complet des États-Unis aux Nations Unies et ailleurs, y compris au G-7, a été exposé récemment lors des votes du 1er juin au Conseil de sécurité des Nations Unies. Une résolution parrainée par le Koweït demandant une enquête sur le meurtre israélien de manifestants non armés à Gaza et une motion de Haley visant à blâmer le Hamas pour les deux ont été votées. Haley était la seule à voter contre la première et la seule à voter en faveur de la seconde. Comme prévisible elle a déclaré après coup que « des preuves supplémentaires ne sont pas nécessaires, mais il est maintenant tout à fait clair que l’ONU est désespérément opposée à Israël ».
=> Source : Philip Giraldi, Strategic Culture Foundation (traduction et intertitre : Pierrick Tillet)