Affaires Woerth et consorts : légalité, justice et morale

La seule défense du couple Woerth (ou de ses consorts dans des affaires similaires : caisse noire UIMM, montres Dray, pots-de-vin Karachi…) c’est d’insister sur la parfaite « légalité » de leurs agissements. Vu l’écœurement populaire grandissant suscité par lesdits « agissements légaux », on est fondé de s’interroger sur le fossé qui se creuse entre légalité et morale.

La présomption d’innocence à géométrie variable

Les intéressés croient d’ailleurs si fort à cet argument légaliste, qu’ils jugent souvent bon de renforcer leurs défenses par des appels pressants à la présomption d’innocence !

Hélas pour eux, ce paravent de fortune ne résiste pas à l’accumulation des révélations. Dans l’affaire Woerth, il suffit de parcourir les différents articles sur le sujet dans Mediapart pour savoir que le couple ministériel et la bande Bettencourt NE PEUVENT PAS être innocents.

Ou alors, c’est qu’il y a deux poids, deux mesures dans la présomption d’innocence, voire dans l’innocence tout court. Parlez-en à Julien Coupat et à ses amis épiciers de Tarnac.

Injuste légalité

Dans son ouvrage Désobéissance civile et démocratie, Howard Zinn établit une nette distinction entre légalité et justice.

  • La légalité résulte d’un rapport de force où triomphe le pouvoir dominant et son exigence d’ordre établi ;
  • la justice est l’expression d’une morale, la recherche d’« un traitement équitable de tous les êtres humains, le même droit pour tous les individus à la liberté et à la prospérité ».

Pour que légalité et justice fassent bon ménage, il faut au moins que ces deux-là ne soient pas aux mains de filous sans scrupules.

Rétablir la justice et la morale, même au détriment de leur légalité

Quand la justice est aux mains d’aigrefins genre Woerth, Sarkozy et consorts ; quand ceux-là établissent les lois qui les protègent au détriment du bien public (le paquet fiscal est un parfait exemple de ces dérives) ; quand la démocratie est ouvertement spoliée par les puissances d’argent à la Bettencourt, avec l’appui de ces médias du microcosme qui leur appartiennent et filtrent tout ce qui peut contrarier leurs ambitions, jusqu’aux candidats des élections… que reste-t-il alors pour rétablir les droits des populations à la morale la plus élémentaire, sinon la rue (je veux dire ce solide coup de pied au cul que l’histoire assène épisodiquement à tous ces malfaisants) ?

Précisons que l’expression de la rue me paraît devoir être celle de la désobéissance civile non-violente.

Loin d’être passive, celle-ci « s’exprime par la grève, le boycott, le refus de coopérer, la manifestation de masse et le sabotage […] L’action directe n’empêche pas d’avoir recours aux droits politiques, libertés civiles et même au processus électoral dans les sociétés où tout cela existe, mais elle en connaît les limites et cherche à les dépasser » (Howard Zinn). 

« Qu’ils s’en aillent »

Admettons (l’espoir fait vivre ! ) que cette dernière solution se concrétise un jour, elle n’aurait d’autres recours que de s’attaquer d’autorité et sans faiblesse à la racine du mal : l’argent, le système financier véreux et ceux qui en profitent de façon si obscène.

Mais, mais, gémiront en chœurs frileux et margoulins, cela ferait fuir tous ces capitaux, toutes ces « richesses » et les « élites » qui les possèdent.

« Qu’ils s’en aillent ! » clame Jean-Luc Mélenchon, du parti de Gauche. Leurs capitaux, on l’a bien vu avec cette affaire Bettencourt, ont déjà été planqués depuis longtemps dans les paradis fiscaux. Il y a belle lurette qu’ils ne les investissent plus dans les rouages économiques du pays. Et l’effectif de ces indélicats n’est finalement pas si important, infime même, en regard de la population totale.

Quelques mesures urgentes

Il n’est pas trente-six solutions pour mettre au pas ce microcosme ripoux qui spolie aujourd’hui le monde entier et n’a rien à faire aux commandes d’un État :

  • établir un pôle bancaire public interdisant les paris sur les fluctuations de prix (spéculation) et régulant la circulation de l’argent (contrôle de la création monétaire) ;
  • réduire de façon draconienne l’échelle des revenus (ceux du salariat comme ceux du capital) dans des proportions raisonnables (Jean-Luc Mélenchon propose de 1 à 20, José Bové d’Europe Écologie parle de 1 à 30) ;
  • mettre la canaille dorée (je pèse mes mots) hors d’état de nuire et faire en sorte qu’elle ne puisse plus sévir dans l’enceinte du pays.

Telle est à mon sens l’unique façon certes vigoureuse LOL de réconcilier légalité, justice et morale.

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