La leçon de justice de l’avocat Dupond-Moretti au journaliste Demorand

Éric Dupond-Moretti

Grand moment de tension ce vendredi sur France Inter entre Nicolas Demorand et Éric Dupond-Moretti, avocat d’Abdelkader Merah. Et grande leçon de justice.

Contexte : Abdelkader Merah vient d’être condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la cour d’assise spéciale de Paris pour avoir livré des armes à son frère, le terroriste Mohammed Merah. Le tribunal a déclaré l’accusé coupable d’association de malfaiteurs, mais l’a acquitté du chef de complicité d’assassinat. Jugement considéré comme trop clément par les parties civiles (les victimes) et par le parquet général de Paris qui vient d’interjeter appel.

Le face à face de l’instantané médiatique et du moment long judiciaire

En face à face ce matin-là, l’instantané médiatique (Demorand) contre le moment long judiciaire (Dupond-Moretti).

Autant le premier cède à l’urgence de l’immédiateté, à la pression des passions orchestrées par les sirènes prétendues de l’opinion publique, à la frénésie des colères sur fond de délitement d’une société à bout de souffle ; autant le second s’inscrit dans un cadre infiniment plus long, plus complexe, plus nuancé, de la justice des hommes plus que de celle de leurs causes.

Extraits :

Dupond-Moretti – Abdelkader Merah, que j’ai eu l’honneur de défendre, incarne aujourd’hui l’horreur absolue dans notre époque qui est marquée du sceau terrifiant des attentats islamistes radicaux.

Demorand – Pourquoi l’honneur ?

Dupond-Moretti – L’honneur, parce que je suis avocat et que j’ai défendu cet homme.

[…]

« Mon but c’était qu’Abdelkader Merah soit jugé selon nos règles »

Dupond-Moretti – Merah était traité d’animal. On peut ne pas l’aimer. Mais mon but n’était pas de le faire aimer, c’était qu’il soit jugé selon nos règles.

[…]

Dupont-Moretti – Savez-vous qu’on m’a reproché, et ça m’émeut beaucoup, que j’ai pu dire à un moment après trois heures d’interrogatoires de la mère de Merah, dont on savait qu’elle avait menti, mais copieusement menti, j’ai dit un moment : mais elle a un fils qui est mort !

Demorand – Vous ne trouvez pas ça obscène de le dire comme ça devant les familles de victimes ?

Dupont-Moretti – Le chagrin des victimes ne peut pas être confiscatoire. Une mère, voyez-vous, même si elle met au monde le dernier des derniers, peut avoir de la peine. Ce qui est obscène, c’est de dénier le droit de cette femme à pleurer. Ce qui est obscène, c’est de dénier à cette femme le fait qu’elle soit une mère. Ce n’est pas une vache qui a vêlé, monsieur.

Demorand – La réactions des parties civiles, en entendant ça, vous la classez aussi dans l’obscénité ?

Dupont-Moretti – Pas du tout. Les parties civiles ont tous les droits. Elles sont dans le chagrin. Mais vous, monsieur, vous êtes un commentateur. Vous devez avoir du recul. Comme les juges doivent avoir du recul. Les familles qui ont vécu dans leur chair cet immense chagrin ont tous les droits. Ils ont le droit de vouloir qu’Abdelkader Merah soit coupé en morceaux parce qu’Abdelkader Merah a été désigné comme l’artisan de leur malheur. Que les victimes ne comprennent même pas  qu’Abdelkader Merah puisse être défendu, j’en accepte l’augure. Mais pas vous, Monsieur Demorand, pas vous ! Si vous déniez à une mère le fait d’être une mère, alors…


PS : Éric Dupond-Moretti devra affronter la même hystérisation des propos en seconde partie de l’émission dans les questions que lui poseront les auditeurs.

Éric Dupond-Moretti :

« L’islamisme radical ou le nazisme sont une cause indéfendable.  Je ne défends pas une cause, mais un homme, c’est radicalement différent. »

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