LE SYNDROME DU LEMMING

Dans les années 60, courait la légende du suicide des lemmings. Pris d’une incontrôlable pulsion de mort suicidaire, ces petits rongeurs de Norvège se précipitaient en masse, nous racontait-on, du haut des falaises qui dominaient les fjords. C’est un mythe que ce suicide collectif, démenti depuis par toutes les études scientifiques – les lemmings ne sont pas si fous ! Mais il éclaire sur l’esprit échauffé des humains qui l’ont propagé. Et si Israël était devenu le propre artisan de sa future destruction, se ruant tête baissée, tels les lemmings de la légende, vers le néant, l’anéantissement.

Saisi de la même fureur que celle prêtée aux minuscules campagnols nordiques, Israël vient de partir une nouvelle fois à l’assaut de l’ « ennemi palestinien », pulvérisant, massacrant, mutilant, sous des prétextes sans commune mesure avec des actes aussi gravissimes. « C’est le Hamas ou nous ! » proclament-ils.

Démence israélienne

Mais il y a une grande différence entre les gens du Hamas et Israël. Israël est né de la volonté des nations victorieuses de la Seconde guerre mondiale. C’est un État artificiel résolument colonialiste, ne reposant sur aucune réalité historique, sinon celle d’une communauté religieuse. A-t-on jamais vu autre pays fondé sur une appartenance religieuse ? Israël est bâti sur du sable.

Dès 1948, dans une lettre au New York Times, des Juifs aussi peu suspects que Hannah Arendt et Albert Einstein s’inquiétaient déjà des dérives « fascistes » (je cite) qui accompagnaient la création de cet État, avec la complicité des États-Unis. Le Hamas, comme le Hezbollah ou Al Quaïda et tous les extrémismes islamiques modernes, ne préexistaient pas à la création d’Israël. Ils sont nés sur les ruines laissées par ce nouvel État, n’existent que par ces décombres. Ce sont nos folies qui nous font engendrer nos propres démons, sécréter les venins qui nous tueront.

En multipliant les exactions meurtrières, en atomisant Gaza, Israël n’éradique pas le Hamas, il le renforce et le légitime comme résistant unique à sa démence. Car c’est bien de démence dont il s’agit. De celle qui conduit un forcené à massacrer tout ce qui l’entoure avant de disparaître à son tour. De cette rage meurtrière et froide qui s’empare des puissants quand ils se rendent compte que leur puissance a atteint ses limites. Tous ces morts civils, ces cadavres d’enfants pulvérisés, c’est autant de kamikazes en gestation pour les temps à venir.

Vers une autre « solution finale » ?

Quelle différence entre un kamikaze islamique et Tsahal (armée israélienne) ? La disproportion des moyens logistiques et c’est tout. Cela en est fini de tout espoir de paix pour des générations dans cette région du monde. Envolée la perspective ne serait-ce que d’une simple coexistence de raison. Israël va jusqu’à décourager ceux qui, à défaut de le soutenir, admettait son existence comme un fait accompli incontournable de l’Histoire.

Alors quoi ? Que reste-t-il à Israël et à ses formidables moyens logistiques pour aboutir à ses fins, éradiquer ces « terroristes » toujours plus nombreux qui l’entourent et le menacent ? Quelle autre solution trouveront-ils, poussés au cul par le monstre états-unien, sinon la … la solution finale ? Combien doit être douloureux pour des Juifs d’entendre cette expression terrible ! Pourtant, elle court désormais dans tous les esprits.

J’essaie d’imaginer les sentiments qu’aurait éprouvés aujourd’hui le vieil ami juif auquel je dois tant, lui qui passa son adolescence à Auschwitz et ses premières années d’adulte dans les prisons staliniennes. Sans doute, serait-il agité des mêmes émotions que celles qui bouleversent maintenant sa fille, la mère de mes enfants : un terrible sentiment de douleur, de colère et de honte devant cette barbarie prétendument « civilisée », ce gâchis humain irrémédiable, ce suicide collectif qui n’est plus un mythe.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.